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Nostalgie Berlin Staatsoper Unter den Linden 04/08/2000 - Adolphe Adam : Le postillon de Longjumeau Gert Henning-Jensen (Chapelou), Simone Nold (Madeleine), Hanno-Müller Brachmann (Bijou), Klaus Häger (Corcy), Bernd Zettisch (Bourdon)
Alexander Schulin (mise en scène), Cornelia Brunn (décors), Joachim Herzog (costumes), Franz Peter David (lumières)
Staatskapelle Berlin, Staatsopernchor, Sebastian Weigle (direction) Connu aujourd’hui surtout pour son ballet Giselle, Adolphe Adam fut également l’un des derniers représentants de l’opéra comique " à la française ", genre assez hybride issu du théâtre et qui fut vite
dépassé par la révolution des moyens vocaux au début du dix-neuvième siècle et l’invasion du Grand Opéra, mais dont on pourra trouver un lointain écho quelques décennies plus tard dans les opérettes de Reynaldo Hahn, Louis Ganne et Robert Planquette. En parcourant le livret du Postillon de Longjumeau, il est d’ailleurs amusant de constater son caractère presque intrinsèquement nostalgique : composé en
1836, soit en plein essor du chemin de fer, l’oeuvre célèbre discrètement le " bon vieux temps " du siècle précédent où les postillons avaient encore dans les villages une position sociale avantageuse, distribuant par exemple des billets galants et séduisant éventuellement par la même occasion leur destinataire, sur le siège arrière de leur monture. Celui de notre histoire, doté d’une jolie voix de ténor, préfère cependant tenter sa chance à l’Académie Lyrique et, tenté par un producteur aux dents longues, abandonne sa femme le soir de ses noces (mais celle-ci saura le faire revenir).
Pour le spectateur d’aujourd’hui amoureux de l’Île de France, cet opéra est donc l’occasion de découvrir un nouveau point de vue sur le village de Longjumeau, bien différent de celui proposé par l’Autoroute A6 après l’échangeur de Chilly-Mazarin. C’est aussi l’occasion d’entendre la fameuse romance de Chapelou " Mes amis écoutez l’histoire... ", véritable leitmotiv de l’oeuvre, et dont la version allemande chantée par le juif Joseph Schmidt (mort en déportation en 1942) resta longtemps numéro 1 au hit-parade au début des années 30, devançant même Zarah Leander et les Comedians Harmonists. Habilement composée, très bien exploitée dramatiquement (motif annoncé par les choeurs, arrivée du comte/producteur entre les deuxième et troisième couplets !) cette romance est surtout attendue pour son tonitruant contre-Ré, performance qui attire encore (essentiellement de ce côté-ci du Rhin) tous les ténors légers avides de faire claquer leurs aigus comme des coups de fouet (de postillon), et dont il faut par ailleurs bien reconnaître qu’elle est la raison principale pour laquelle cet opéra se maintient vaille que vaille au répertoire. Pour le reste en effet, hormis quelques pages chorales assez bien senties, l’auditeur somnole doucement, dressant tout de même l’oreille lors des passages finaux où Adam a l’élégance (si l’on peut dire) de ne pas abuser de la cadence parfaite, procédé qui défigure tant d’opéras italiens de la même époque. Au rayon des curiosités, signalons aussi un long solo de clarinette dans le prologue au troisième acte, morceau dont on ne peut pas dire qu’il soit absolument ravissant, mais qui demande tout de même une assez grande virtuosité, et qui fut interprété ce soir-là avec beaucoup de brio par la soliste Sylvia Schmückle-Wagner, longuement applaudie. La Staatskapelle Berlin joue avec la belle précision qu’on lui connaît, et Sebastian Weigle fait bien ressortir les quelques timides contrechants de la partition, aux violoncelles notamment.
La mise en scène d’Alexander Schulin laisse quant à elle un goût mi-figue mi-raisin. L’idée de rapprocher cette sympathique pochade d’un théâtre de marionettes façon Guignols est assez séduisante, d’autant plus qu’elle recentre l’interêt dramatique sur l’épouse qui, comme dans tout bon boulevard, " tire les ficelles ". Mais en pratique, hormis de jolis décors et une touche finale assez réussie où la lumière s’éteint doucement sur la dite épouse, seule sur le devant de la scène, cette production manque de rythme et bute surtout sur une direction d’acteurs caricaturale, rappelant les meilleurs (ou les pires) moments de la comédie soviétique. Hanno-Müller Brachmann, par ailleurs la plus belle voix de la soirée (malgré une légère tendance à enfler le son), s’en tire relativement bien et donne un certain poids à son personnage de choriste plébeien, mais les deux premiers rôles offrent une prestation scénique qu’il faut bien qualifier de pitoyable. Ils semblent surtout gênés par une prononciation française déficiente et absolument incompréhensible dans les passages parlés, qui sont si importants pour ce type de répertoire où l’interêt musical est limité. Tout cela passerait quand même si les voix étaient à la hauteur, et Simone Nold chante, dans ses limites, fort bien. Mais l’essentiel de l’opéra repose sur le rôle de Chapelou, omniprésent, et malheureusement nous avions affaire ce soir-là à un ténor souffrant, obligé de se donner une limite dans l’aigu, et manquant totalement d’assurance lors du passage en voix de tête. Le timbre est de surcroît assez laid, peut-être sous l’effet du bleu de méthylène mais il ne nous semble pas que, en bonne santé, ce chanteur eût pu nous laisser une impression tellement meilleure.
Thomas Simon
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