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Noces réussies, banquet gratuit.

Berlin
Deutsche Oper
12/29/2002 -  


W.-A. Mozart : Les noces de Figaro


William Dazeley (Comte Almaviva), Krassimira Stoyanova (Comtesse Almaviva), Fionnuala McCarthy (Susanne), Maurizio Muraro (Figaro), Ulrike Helzel (Chérubin), Yvonne Wiedstück (Marcelline), Burkhard Ulrich (Don Basilio), Peter Maus (Don Curzio), Roland Schubert (Bartolo), Robin Johannsen (Barberine), Klaus Lang (Antonio).



Götz Friedrich (mise en scène), Herbert Wernicke (décors), Herbert et Ogün Wernicke (costumes).



Choeur de la Deutsche Oper Berlin, Ulrich Paetzholdt (direction). Orchestre de la Deutsche Oper Berlin, Marc Albrecht (direction).

On connaît le goût prononcé que cultivait Mozart pour les nourritures terrestres au sens large du terme, avec une ferveur peut-être aussi intense que celle qui habite sa divine musique. C´est probablement cette ambivalence du compositeur que H. Wernicke (récemment décédé) veut nous rappeler lors du final de cette reprise des Noces de Figaro, en demandant aux chanteurs d´inaugurer une nouvelle façon de saluer : au lieu des traditionnelles révérences, les protagonistes se font servir sur scène un buffet assez copieux (dinde, petits fours, champagne) et viennent ensuite faire coucou au public le verre à la main. On peut être assez stupéfié par ces courbettes de fin d´année pour le moins inhabituelles. Certes, l´opéra fait souvent bon ménage avec les arts de la table, surtout dans la période fin XVIII-ème/début XIX-ème siècles, et l´on sait que Rossini lui-même donnait à certains de ces morceaux une connotation culinaire, comme aux fameux arie del sorbetto que l´on peut traduire par « airs à écouter en dégustant un sorbet ». Cependant, et c´est là un point important, cette connotation concerne uniquement l´auditeur, invité à écouter de la musique comme on goûte un bon vin. Ce point de vue périssable sur le plaisir musical est déjà plus discutable lorsqu´il s´agit de Mozart, mais c´est de toutes manières un débat qui dépasse de loin le curieux renversement que propose Wernicke en faisant manger les chanteurs eux-mêmes. On comprend que ces derniers fassent la noce après cette folle journée, mais beaucoup moins qu´ils le fassent en public. D´ailleurs, pourquoi ce dernier n´est-il pas invité ? Car c´est bien lui qui assiste à ces noces, et non pas les chanteurs sensés les représenter. Cette première impolitesse en amène une autre, plus grave : en laissant les chanteurs s´autocongratuler lors d´un cocktail quelque peu télévisé (influence de Loft story ?), Wernicke rend les applaudissements des spectateurs tout à fait vains, ce qui est assez insultant pour ces derniers, indépendamment d´un spectacle par ailleurs très réussi. Car pourquoi applaudir des artistes déjà en train de s´empiffrer ? Le rite de l´applaudissement marque surtout le contentement du public évidemment, mais reste inséparable de la réapparition des artistes venus le saluer avec respect, respect lui-même inséparable de la représentation qu´ils ont donnée. Or, en venant saluer la bouche pleine, ces chanteurs ont surtout donné l´impression de se moquer de nous. Pour paraphraser Almaviva (acte 3 scène 1), il rispetto… il rispetto… dove, diamin, l´ha posto l´umano errore !



C´est dommage, car dans l´ensemble cette après-midi d´opéra s´était fort bien déroulée comme je le disais plus haut. La mise en scène de G. Friedrich, qui date déjà de 1978, fait preuve d´un beau classicisme, bien plus strehlerisant que stérilisant. L´influence du travail du maître italien sur cette même oeuvre cinq ans plus tôt à l´opéra de Paris est en effet assez évidente, tant dans les décors que dans le jeu des acteurs. Cependant cette impression de déjà-vu n´est pas vraiment gênante, car les ressorts dramatiques de Beaumarchais/Da Ponte sont très bien rendus et l´on reste captivé d´un bout à l´autre par ce livret tellement génial. De plus, Friedrich a des idées intéressantes qui ne sont pas dans Strehler, comme par exemple dans le récitatif de la « cause gagnée » (Acte 3 Scène 3), où Almaviva laisse passer son énervement en déchirant un large rideau qui découvre alors la galerie de portraits de ses ancêtres. L´orchestre de la Deutsche Oper sonne peut-être un peu trop sombre et allemand pour cette oeuvre si sévillane, mais la direction de Marc Albrecht reste très précise et très nuancée. On aurait juste pu souhaiter des tempi un peu plus allants dans les fins d´acte. Côté chanteurs, on est surtout emballé par la Comtesse de Krassemira Stoyanova, slave élégante et vaporeuse dont la voix limpide recèle de capiteuses couleurs automnales, et par le Figaro de Maurizio Muraro, voix d´or parfaitement homogène sur les deux octaves de la tessiture, et de surcroît excellent acteur. Fionnuala McCarthy est une Susanne charmante et spirituelle à souhait mais un peu limite vocalement, malgré un magnifique Deh vieni non tardar. A l´inverse, William Dazeley montre un baryton facile et bien timbré, mais semble se contenter de son physique de beau gosse british pour ce qui concerne la composition dramatique, de sorte qu´il passe un peu à côté de la complexité de son personnage. Hormis un extraordinaire Don Basilio et une jolie Barberine, les seconds rôles sont nettement en deçà : Chérubin est animé d´une sorte de tanguage permanent lorsqu´elle chante, ce qui est drôle au début mais finit par lasser, d´autant plus que ses débuts de phrase sont constamment bas. Marcelline est très amusante et bien en voix dans les scènes d´ensemble, mais l´on a jamais entendu l´air de la chèvre et du chevreau aussi mal chanté. Quant à Bartolo et Antonio, ils possèdent des voix tellements ingrates que l´on se dit que l´intendance de la Deutsche Oper aurait mieux fait d´engager deux chanteurs un peu plus performants, plutôt que d´offrir ce banquet final passablement gratuit.




Thomas Simon

 

 

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