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Les deux tiers d’un concert

Berlin
Philharmonie
08/29/2025 -  et 2 septembre 2025 (Luzern)
Robert Schumann : Manfred, opus 115 : Ouverture
Bernd Alois Zimmermann  Concerto pour hautbois et petit orchestre
Johannes Brahms : Symphonie n° 1 en ut mineur, opus 68

Albrecht Mayer (hautbois)
Berliner Philharmoniker, Kirill Petrenko (direction)


K. Petrenko (© Lena Laine)


Le concert d’ouverture de la saison du Philharmonique de Berlin est un événement tout à la fois musical, mondain et médiatique, les principaux responsables politiques (comme, ce soir, l’ancienne chancelière Angela Merkel) sont généralement présents de même que vedettes berlinoises ou plus largement allemandes, l’entrée par la Herbert-von-Karajan Strasse déroulant un large tapis rouge sous les yeux des caméras. Pour ce qui nous concerne, point de tapis rouge mais, en dépit d’une marge de sécurité que nous estimions plus qu’honorable, un début de concert raté en raison d’un très important retard de notre vol au départ de Paris, les orages couvrant vendredi une partie de l’Ile‑de‑France ayant retardé notre avion de près de deux heures. C’est donc derrière les portes que nous aurons entendu vaguement une partie de l’ouverture de Schumann (qui n’avait pas été donnée par l’orchestre depuis le mois de mai 2006 sous la baguette alors de Claudio Abbado) et c’est donc avec le Concerto pour hautbois que nous débuterons le présent compte rendu.


Si, ces dernières années, le Philharmonique de Berlin a parfois joué le Concerto pour violon de Bernd Alois Zimmermann (Thomas Zehetmair en 2009 et Carolin Widmann en 2018), il n’avait pas donné son Concerto pour hautbois depuis 1991 ; le soliste était alors Hansjörg Schellenberger, hautboïste solo des Berliner à l’époque. Ce soir, au tour de son successeur, Albrecht Mayer, pour la troisième fois seulement de l’histoire de l’orchestre (la première berlinoise ayant été interprétée par le grand Lothar Koch en janvier 1972, vingt ans après la composition et la création de l’œuvre en 1952 donc, sous la direction du bien oublié Reinhard Peters). Comptant trois mouvements, le soliste est accompagné par un petit orchestre (six premiers et six seconds violons, quatre altos et violoncelles, trois contrebasses, les bois et les cuivres par un, auxquels il faut ajouter une harpe, un joueur de piano et célesta ainsi que deux percussionnistes), le concerto durant environ un quart d’heure. Le premier mouvement « Hommage à Stravinsky. Allegro con brio » fait davantage alterner soliste et orchestre qu’il ne les fait véritablement dialoguer, Albrecht Mayer devant démontrer tout son art du détaché, toute l’étendue de sa technique : aucun problème de ce côté‑là, même s’il fut parfois un peu couvert par l’orchestre. Le climat extatique débuté par l’attaque de la harpe se poursuit tout au long du deuxième mouvement qui joue clairement sur les contrastes, les effets de masse, la cadence offrant à Albrecht Mayer une liberté totale où il doit se jouer de la tessiture aiguë, voire suraiguë imposée par le compositeur. C’est bien le Finale. Vivace qui nous aura semblé être le véritable hommage à Stravinsky tant le rythme dégingandé et les sonorités grotesques évoquent la pantomime du Maure dans Petrouchka ; là encore, Albrecht Mayer se livre pleinement, épaulé par un Kirill Petrenko plus attentif à la rythmique qu’aux équilibres sonores. En bis, changement de climat avec, sous la direction d’Albrecht Mayer, la magnifique Sinfonia ouvrant la Cantate « Ich hatte viel Bekümmernis » BWV 20 de Johann Sebastian Bach où, outre le hautbois, fut également mis en valeur le violon solo de Noah Bendix-Balgley, Konzertmeister du soir.


En seconde partie de concert, la Première Symphonie de Brahms, jouée pour la première fois par l’Orchestre philharmonique de Berlin en novembre 1885, soit neuf ans presque jour pour jour après sa création à Karlsruhe. Une œuvre régulièrement donnée par l’orchestre (pour notre part, nous l’avons notamment entendue sous la direction de Sir Simon Rattle et sous celle de Herbert Blomstedt) ; au tour ce soir de Kirill Petrenko de l’aborder, lui qui l’a dirigée avec succès mi‑juin à la tête de l’Orchestre de l’Académie nationale de Sainte‑Cécile. Le Philharmonique de Berlin fait montre de toutes ses forces en alignant une quantité impressionnante de cordes (quatorze premiers et seconds violons, douze altos, dix violoncelles, huit contrebasses) mais le résultat n’aura pas été totalement au rendez‑vous. Dans le premier mouvement (et on le retrouvera dans le quatrième), la mise en place s’est en effet parfois avérée fragile et on a frôlé le décalage à quelques reprises ; cela n’empêche pas le rouleau compresseur berlinois de nous emporter dans cette houle dont il a le secret, soutenu il est vrai par un exemplaire pupitre de contrebasses. L’Andante sostenuto fut magnifique : Noah Bendix-Balgley au violon et Jonathan Kelly au hautbois notamment furent irréprochables, le scintillement des cordes s’avérant d’une finesse presque surnaturelle. Emmené par la clarinette de Wenzel Fuchs, l’orchestre joua le troisième mouvement un rien trop rapidement à notre sens mais on baisse les armes devant les timbres d’une petite harmonie étincelante. C’est le dernier mouvement qui nous aura fortement déçu. Non pas que les solistes soient en cause (Yun Zeng au cor solo !) mais c’est bien la conception de Petrenko qu’on a du mal à suivre. Là où Blomstedt prenait davantage son temps et imposait une sorte de sérénité grandiose, l’actuel directeur musical du Philharmonique de Berlin a semblé ne pas vraiment choisir entre un legato de cordes assez retenu et des passages au contraire précipités (notamment avant la reprise du grand thème de cordes), qui au final manquèrent de lisibilité, la mise en place étant plus que perfectible dans les dernières minutes de la symphonie.


Cela n’empêcha pas la salle de se lever pour ovationner chef et orchestre, dans un programme qui sera repris à Lucerne le 2 septembre et en partie le 17 à Berlin, dans le cadre de la Musikfest. Signalons également que l’Orchestre philharmonique de Berlin sera à Paris le 5 septembre dans le cadre d’une petite tournée européenne : au programme, la Neuvième Symphonie de Gustav Mahler.


Le site de l’Orchestre philharmonique de Berlin



Sébastien Gauthier

 

 

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