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Que d’eau, que d’eau...

Berlin
Waldbühne
08/09/2024 -  et 7 (Bremen), 11 (London), 13 (Wiesbaden), 15 (Salzburg), 18 (Luzern) août 2024
Johannes Brahms : Concerto pour violon en ré majeur, opus 77
Franz Schubert : Symphonie n° 9 en ut majeur, D. 944

Anne-Sophie Mutter (violon)
West-Eastern Divan Orchestra, Daniel Barenboim (direction)


(© Sébastien Gauthier)


C’est désormais un rituel que de voir se produire à Berlin, au cœur du mois d’août et dans le cadre d’une tournée des grands festivals de musique en Europe, l’Orchestre du divan occidental-oriental. Nous l’avions entendu il y a cinq ans, le 17 août 2019, dans un programme Beethoven (le Concerto pour violon avec Michael Barenboim en soliste et la Septième Symphonie) ; nous l’avions entendu ici, le 19 août, dans un programme consacré à Beethoven et à Brahms et, cette année, c’est de nouveau Brahms qui ouvre le concert (le deuxième de la tournée, après un premier concert donné à Brème le 7 août) avec en complément, la « Grande » symphonie de Schubert.


Concert prometteur mais la soirée avait pourtant mal commencé, le ciel grisâtre qui surplombait la ville de Berlin depuis le matin (consécutif notamment à un très violent orage deux jours plus tôt) s’avérant en effet des plus menaçants. Ce qui n’a pas empêché le S‑Bahn de déverser son flot habituel de spectateurs où l’on reconnaissait immédiatement les prévoyants (munis de parapluies ou de cirés bigarrés), les habitués (portant des petits coussins pour bénéficier d’une assise un tant soit peu confortable), les bandes d’amis (généralement du troisième âge mais on comptait également des familles et quelques groupes de copains, parfois à peine sortis de l’adolescence), les spectateurs venant pour certains en robe et veste impeccables, la plupart habillés comme tous les jours, les concerts donnés dans l’immense amphithéâtre de la Waldbühne (plus de 22 200 places dont 19 640 assises pour être exact) étant surtout l’occasion de passer une belle soirée d’été au milieu de la forêt, en bordure de la capitale allemande. Le temps de prendre sa Currywurst et ses pommes (prononcez pommeusses !), à savoir une saucisse berlinoise coupée en grosses rondelles, arrosée de ketchup et saupoudrée de curry avec une barquette de frites (un des musts de la gastronomie allemande !) et nous voilà à la recherche de notre siège, guidé par un des multiples employés requis pour cette soirée ; comme pour les précédentes éditions, on admire de nouveau l’organisation à la fois fluide, précise et bienveillante qui entoure cette manifestation.


Et, à peine assis, voilà que quelques gouttes se mettent à tomber ; puis la pluie s’en va, avant de revenir en redoublant d’intensité, les spectateurs sortant à la hâte imperméables, parapluies, sacs plastique en tous genres ou subissant l’ondée avec flegme et, même, le sourire. Un quart d’heure avant que ne commence le concert, la pluie revient de nouveau, très forte cette fois‑ ci, à tel point que nous nous sommes posé la question de l’éventuelle annulation. Mais, la musique peut être miraculeuse et on en aura eu une preuve supplémentaire ce soir. Les jeunes musiciens de l’orchestre entrèrent sur scène sous les applaudissements du public avant qu’Anne‑Sophie Mutter, dans une robe-bustier couleur fuchsia, et Daniel Barenboim n’arrivent à leur tour. Le concerto n’avait pas commencé depuis cinq minutes que la pluie diminua puis, chose incroyable, s’arrêta définitivement avant de faire place à un ciel de plus en plus clair, le reste de la soirée s’étant passée totalement au sec sous une voûte parfaitement étoilée.



D. Barenboim (© Jakob Tillmann)


Le Concerto pour violon (1878) de Brahms n’a guère plus de secrets pour la violoniste allemande, depuis qu’elle l’a enregistré, à peine sorite de l’adolescence, avec Herbert von Karajan. Dès le premier mouvement en  majeur (Allegro ma non troppo), on admire évidemment la facilité technique (le jeu sur les doubles cordes) mais surtout l’éventail des nuances et l’alternance idéale entre la poigne dans l’archet et un certain lâcher‑prise, qui lui permettent d’enlever cette page avec une indéniable maestria. L’Adagio en fa mit d’emblée en valeur les bois de l’orchestre, dominés par le superbe hautbois solo, mais comment ne pas frissonner de manière générale en entendant les entrées successives du hautbois, de la clarinette, du basson, du cor et de la flûte ? Avec un tel écrin, Anne‑Sophie Mutter se fait plus rêveuse que jamais, le violon jouant sur la profondeur des graves et le caractère étincelant de certains aigus, la soliste étant soutenue par un orchestre au diapason de ce climat extatique. Retour à la tonalité de  majeur avec le fameux Allegro giocoso, ma non troppo aux accents hongrois ; Anne‑Sophie Mutter y met toute sa fougue, la soliste emportant et même relançant à elle seule l’orchestre, quitte à ce que l’équilibre entre les deux ne soit pas toujours idéal. De son côté, Daniel Barenboim, que nous avons trouvé affaibli par rapport à l’année dernière, se contente bien souvent de donner les seules impulsions nécessaires, sa gestique ayant de fait perdu en grandiloquence ce qu’elle a peut‑être gagné en efficacité. La baguette donne les départs avec une précision toute relative mais on se laisse aisément prendre par les sonorités profondes – la culture germanique de Barenboim étant ici évidente – d’un orchestre de très bonne tenue, galvanisé par un public extrêmement attentif. Pas de bis cette fois‑ci ; on verra ce que le concert de l’année prochaine (qui se tiendra le dimanche 10 août) nous réservera, avec Lang Lang comme soliste.


Après un entracte d’une demi-heure, orchestre et public retrouvaient leurs places pour la Neuvième Symphonie (1825) de Schubert. Là encore, l’orchestre apparaît au grand complet, avec notamment pas moins de huit contrebasses ; il faut dire que Daniel Barenboim préfère, dans le répertoire germanique, s’en tenir aux visions héritées de Furtwängler et de quelques autres plutôt que d’adopter certaines découvertes plus récentes ou certaines options, véhiculées notamment par les « baroqueux », qui ont depuis longtemps investi tout le répertoire du XIXe siècle. Si la première partie du premier mouvement (notée Andante) se caractérise par un manque de netteté du trait, on se laisse totalement emporter par la seconde partie (Allegro ma non troppo) qui, bien que parfois pesante et souvent emphatique, a une vraie cohérence et, bénéficiant en particulier de basses généreuses (on a déjà évoqué les contrebasses mais n’oublions pas par exemple les trois trombones), flatte on ne peut mieux l’oreille de l’auditeur. Le magnifique Andante con moto met de nouveau en valeur l’ensemble de la petite harmonie ; même si le mouvement s’avère plutôt de belle facture, on ne peut passer sous silence une certaine raideur et plusieurs problèmes de mise en place qui, du moins peut‑on le supposer, devraient disparaître lors des futurs concerts donnés dans des salles en bonne et due forme. Le Scherzo fut le mouvement le plus réussi grâce à une section centrale de toute beauté où nous avons entendu des contrechants généralement ignorés (le cor, le basson...), Daniel Barenboim l’abordant avec une douceur du meilleur aloi. Mais le chef israélo-argentin retrouve quelques réflexes de mauvais goût dans l’Allegro vivace conclusif avec plusieurs effets de nuances cédant à la facilité, un manque de soin dans le détail et quelques glissandi qui n’étaient pas forcément les bienvenus. L’enthousiasme des musiciens fit néanmoins merveille et le public put saluer avec chaleur un orchestre dont l’engagement sans faille en faveur de la paix au Proche‑Orient, et en l’espèce en faveur d’un cessez‑le‑feu immédiat à Gaza (permettant à la fois un retour des otages détenus par les terroristes du Hamas et un retour de la population palestinienne dans des territoires totalement sécurisés), figurait sur un message distribué aux spectateurs à l’entrée de la Walbühne.


Bien que visiblement fatigué (dans le dernier mouvement, l’orchestre jouait d’ailleurs davantage sous la houlette de Barenboim fils, Konzertmeister pour l’occasion, que sous la baguette du père), Daniel Barenboim regagna son estrade (et son siège) à petits pas pour un bis déjà donné l’année dernière : le Scherzo tiré du Songe d’une nuit d’été de Mendelssohn. A voir s’il sera de nouveau joué l’année prochaine ! En tout cas, rendez‑vous est pris.


Le site de Daniel Barenboim
Le site d’Anne-Sophie Mutter
Le site de l’Orchestre du divan occidental-oriental



Sébastien Gauthier

 

 

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