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Une direction de haut vol

Firenze
Teatro del Maggio Musicale Fiorentino
02/07/2023 -  et 11, 14*, 21 février 2023
Ferruccio Busoni : Doktor Faust, BV 303
Dietrich Henschel (Doktor Faust), Daniel Brenna (Mephistopheles), Olga Bezsmertna (La duchesse de Parme), Wilhelm Schwinghammer (Wagner, Der Zeremonienmeister), Joseph Dahdah (Der Herzog von Parma, Soldat), Florian Stern (Ein Leutnant), Martin Piskorski, Marian Pop, Lukasz Konieczny (Drei Studenten aus Krakau), Dominic Barberi (Theologe, Gravis), Marcell Bakonyi (Jurist, Levis), Zachary Wilson (Naturgelehrter, Asmodus), Martin Piskorski, Franz Gürtelschmied, Marian Pop, Florian Stern, Ewandro Stenzowski (Studenten aus Wittenberg), Franz Gürtelschmied (Beelzebuth), Ewandro Stenzowski (Megäros), Mariia Kokareva, Olha Smokolina, Aleksandra Meteleva (Frauen Stimmen)
Coro del Maggio Musicale Fiorentino, Lorenzo Fratini (chef de chœur), Orchestra del Maggio Musicale Fiorentino, Cornelius Meister (direction musicale)
Davide Livermore (mise en scène), Giò Forma (décors), Mariana Fracasso (costumes), Fiammetta Baldiserri (lumières), D-Wok (vidéo)


D. Henschel (© Michele Monasta/Maggio Musicale Fiorentino)


Achevé à sa mort par l’un de ses élèves, Philipp Jarnach, l’ultime chef‑d’œuvre lyrique de Ferruccio Busoni (1866‑1924), Doktor Faust, fut créé un an après dans la plupart des grandes villes germaniques, là même où le Toscan rencontra le succès pendant toute sa carrière, notamment en tant que pianiste virtuose. On peine à imaginer le lien avec la musique bien sage de son professeur Reinecke, tant Busoni surprend par son inspiration imprévisible et captivante, volontiers impressionniste dans le chevauchement savant des plans sonores, puis flirtant avec l’atonalisme par petites touches, au service d’un climat enveloppant et mystérieux.


Egalement auteur du livret, qui embrasse les racines italiennes du mythe bien au‑delà de Goethe, Busoni privilégie une réflexion initiatique et philosophique, sans malheureusement éviter un statisme de l’action. Malgré cet écueil, son instinct dramatique donne une saveur inattendue aux moindres inflexions musicales, tel un reflet de l’inventivité sans limite de son inspiration (souvent proche du climat d’urgence d’un Hindemith) et de la luxuriance de son orchestration : tout amoureux de l’orchestre doit impérativement connaître cette partition envoûtante, surtout lorsqu’un magicien des sonorités expressives est à la baguette en la personne de Cornelius Meister. Le chef allemand est le grand artisan de la réussite de la soirée, donnant le meilleur de l’excellente formation locale, entre attention aux nuances et brio aussi vibrant que frémissant. Un régal !


Dans la vaste salle ultramoderne de 2 000 places (voir ici), le plateau vocal souffre d’une acoustique froide qui privilégie la fosse, un rien trop sonore dans les tutti. Spécialiste du rôle‑titre depuis de nombreuses années (voir notamment à Lyon en 1997 ou à Paris en 2000), Dietrich Henschel impressionne par ses qualités d’articulation et sa force de conviction, mais ne peut toutefois faire oublier un timbre terne et une projection insuffisante par endroit. Daniel Brenna (Méphistophélès) ne manque pas de puissance en comparaison, mais peine à chauffer sa voix blanche dans les suraigus redoutables de la première partie, étranglés et souvent craqués. Il se rattrape quelque peu par la suite, mais se montre loin de son meilleur niveau. On lui préfère la jeunesse de timbre du solide Wagner de Wilhelm Schwinghammer, incarné avec une technique sans faille, mais qui mériterait une prise de risque plus affirmée pour nous emporter davantage. Tous les seconds rôles emportent l’adhésion, autour d’un chœur local impressionnant de ferveur dans ses différentes interventions, même si la production le cantonne trop souvent aux coulisses.


La mise en scène de Davide Livermore choisit en effet de mettre en avant la figure de Busoni, dont l’ensemble des personnages ne représenterait qu’une des multiples facettes de son tempérament. L’idée est intéressante, tant elle cherche à éprouver les doutes d’un compositeur au soir de sa vie, mais se montre trop répétitive, du fait de l’utilisation des mêmes artifices tout du long, notamment l’agitation du masque de Busoni par les interprètes. On peut faire le même reproche aux décors projetés en vidéo de D‑Wok, malgré d’évidentes qualités plastiques : l’exploration d’une sorte de bunker post‑apocalyptique mêle la force des éléments aux obsessions de Faust en une virtuosité spectaculaire, mais peine à se renouveler sur la durée. Seule la scène des réjouissances du mariage du Duc et de la Duchesse surprend par l’irruption d’un double du pianiste, grimé en une sorte de faune assoiffé de sexe. Ces multiples visages de Faust/Busoni permettent de renouveler quelque peu le propos en animant l’action d’une forme d’étrangeté, même si le profane peut peiner à bien saisir les quelques références distillées ici et là, faute d’une connaissance approfondie de la biographie du compositeur.


Un spectacle qui vaut avant tout pour la direction sensible et évocatrice de Cornelius Meister, qui parvient à pénétrer les mystères de l’inspiration flamboyante de Busoni, grand maître de la variété mouvante des atmosphères.



Florent Coudeyrat

 

 

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