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Daphné juvénile

Berlin
Deutsche Oper
03/03/2002 -  


R. Strauss : Daphné


Juanita Lascarro (Daphné), John Horton Murray (Apollon), Jerry Hadley (Leucippe), Jadwiga Rappé (Gaea), Arutjun Kotchinian (Peneios), Raquela Sheeran et Andion Fernandez (Jeunes filles), Tom Erik Lie, Jörg Schörner, Chong-Boon Liau et Friedrich Molsberger (Bergers).

Anthony Pilavachi (Mise en scène), Dieter Richter (Décors), Jutta Delorme (Costumes), Anthony Pilavachi et Olaf-Siegfried Stolzfuss (''Light-Design'').

Orchestre et choeur masculin de la Deutsche Oper Berlin, Christian Thielemann (Direction).


Les soirées se suivent mais ne se ressemblent pas à la Deutsche Oper Berlin. Après un Hans Heiling poussiéreux et moribond, à quasiment désespérer de l'art lyrique, voici un spectacle dont la beauté et la modernité autrement plus convaincante nous redonnent, dans une oeuvre pourtant largement méconnue, de bonnes raisons de continuer à croire en l'opéra.

Créé à Dresde en 1938, Daphné n'est probablement pas un chef-d'oeuvre au sens saloméen ou arabellesque du terme, en grande partie à cause d'un livret au statisme trop édifiant (les ultimes hésitations amoureuses de Daphné entre son camarade de jeux Leucippe et le dieu Apollon, avant sa métamorphose) et qui rappelle plutôt - époque oblige - les rigides conventions de l' Opera seria. De surcroît, l'allemand marmoréen de Joseph Gregor, avec lequel d'ailleurs, si l'on en juge par leur correspondance, Strauss semble avoir entretenu des rapports essentiellement formels, n'a ni la verve ni la légereté de Wilde ou von Hoffmanstahl. Mais la musique est partout très belle, et chatoie encore dans nos oreilles après pourtant une seule écoute. Dans cette oeuvre tardive, le maître de Munich semble avoir trouvé une sorte d'équilibre apollinien entre un sens de l'humour toujours aussi brillant (le rôle dadais de Leucippe, les pastiches de Wagner - cette fois-ci c'est le Crépuscule des Dieux), et un goût pour le lyrisme intime qui gagne encore en sincérité (les deux airs de Daphné, absolument sublimes, et qui justifieraient à eux seuls que l'opéra soit plus souvent programmé). L'orchestration est superbe, faisant la part belle aux bois, chose naturelle pour ce sujet bucolique, et dressant toujours cette richissime trame harmonique aux cordes, véritable Trademark de la maison Strauss autant que magnifique écrin pour les chanteurs.

Christian Thielemann donne de cette partition une lecture magnifique, toute en finesse et en scintillement, qui infirme pleinement la réputation de chef ''prussien'' que lui donnent un peu facilement les inconditionnels de Barenboïm à Berlin. Ce goût du détail et ce respect scrupuleux des nuances n'entravent nullement un dynamisme parfois tout à fait électrisant - il est aidé en cela par un orchestre en pleine forme - et qui sera d'ailleurs salué par un tonnerre d'aplaudissements à la fin du spectacle. Assurément, si Thielemann continue comme cela, sa collaboration avec Lars von Trier pour le Ring de Bayreuth en 2006 pourrait fort bien marquer l'histoire. Par sa poésie et son humour champêtre, la mise en scène d'Anthony Pilavachi distille elle un charme toujours plus prenant, qui parvient tout à fait à pallier aux insuffisances dramatiques du livret.

Mais ce spectacle ne nous aurait pas laissé un aussi bon souvenir sans la présence dans le rôle-titre d'une chanteuse assez extraordinaire, Juanita Lascarro. Timbre rare et splendide qu'elle sait imprimer des teintes les plus variées sans jamais le travestir, présence physique gracieuse et touchante, musicalité infinie, tout ceci fait d'elle une cantatrice straussienne idéale et comme tombée du ciel. On est curieux de voir ce que cette jeune artiste (on ne lui donne pas trente ans) peut donner dans des personnages un peu plus fouillés, mais ce premier grand rôle place en tout cas sa carrière sous les meilleures auspices. En Leucippe, Jerry Hadley montre une technique vocale solide et de bonnes dispositions - rares chez les ténors - pour jouer la comédie, mais son timbre reste assez criard, et l'on comprend mal la starification dont ce chanteur a pu faire l'objet il y a quelques années. Avec une voix plus ingrate, John Horton Murray est un artiste autrement plus musicien et intéressant. Il donne à Apollon une densité très humaine, elle aussi non dénuée d'humour. En Peneios, Arutjun Kotchinian se distingue plus par sa haute taille (on lui donne facile deux mètres quinze) que par son timbre de basse verdienne conventionnelle. L'imposant alto de Jadwiga Rappé en Gaea ne laisse pas d'impressionner, même si c'est chaque fois pour gronder après Daphné, alors que nous n'avons que des compliments à lui adresser !





Thomas Simon

 

 

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