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A quand le prochain ?

Berlin
Philharmonie
09/29/2022 -  et 30* septembre, 1er octobre 2022
Franz Schubert : Symphonie n° 3 en ré majeur, D. 200
Ludwig van Beethoven : Symphonie n° 7 en la majeur, opus 92

Berliner Philharmoniker, Herbert Blomstedt (direction)


H. Blomstedt (© Jürgen M. Pietsch)


Sitôt les Musikfesten de Berlin terminée (le festival musical occupant chaque année la Philharmonie de la fin août jusqu’aux environs du 20 septembre), la salle laisse la place à la saison de l’Orchestre philharmonique de Berlin, qui y est en résidence depuis 1963. Outre de nombreux concerts dirigés par le directeur musical en titre Kirill Petrenko (qui abordera aussi bien Andrew Norman que la Septième Symphonie de Mahler dans le cadre notamment d’une grande tournée américaine en novembre, aussi bien l’oratorio Elias de Mendelssohn que des pièces signées Győrgy Ligeti, Miroslav Srnka, la Messe du couronnement de Mozart ou la Huitième Symphonie de Beethoven), grandes baguettes et célèbres solistes se bousculent au cours d’une saison qui s’annonce une fois encore des plus alléchantes. Officieront ainsi (sans souci d’exhaustivité...) Iván Fischer, Daniel Harding (dans un programme Chin, Vaughan Williams, R. Strauss), Tugan Sokhiev, Andris Nelsons (Schönberg, Bruckner), Santtu‑Matias Rouvali (programme Salonen, d’ailleurs compositeur en résidence à la Philharmonie cette année, Adams, Prokofiev), Daniel Barenboim, Klaus Mäkelä (qui fera là ses débuts avec l’orchestre en avril 2023 dans un programme Chostakovitch-Tchaïkovski), Zubin Mehta, Simone Young, Sir Simon Rattle... A noter que les Français seront à la fête puisque François‑Xavier Roth dirigera un programme Dukas, Bartók, Debussy avec Julie Fuchs tandis que Sabine Devieilhe chantera Mozart sous la direction du jeune Maxim Emelyanychev, sans oublier Emmanuelle Haïm, habituée du Philharmonique pour sa part, qui dirigera l’orchestre dans Il Trionfo del Tempo e del Disinganno de Händel (sans doute une entrée au répertoire !) avec notamment Elsa Benoit dans le rôle de Bellezza.


A l’instar de l’année dernière (il dirigeait alors la Cinquième Symphonie de Bruckner), Herbert Blomstedt est le premier chef invité de la saison 2022‑2023. Ayant fait ses débuts avec l’orchestre en 1976, il est aujourd’hui le chef en activité le plus âgé au monde, ayant passé la barre des 95 ans en juillet dernier ! Quelques récents ennuis de santé l’ont contraint à un repos forcé (une chute l’a empêché de diriger la Staatskapelle de Berlin les 27 et 28 juin dernier, nécessitant son remplacement in extremis par Christian Thielemann, dont le nom pour devenir le nouveau directeur musical de la phalange circule d’ailleurs avec de plus en plus d’insistance...) mais cela ne l’a pas empêché de reprendre ses activités sitôt sa convalescence terminée. Ainsi, pas plus tard que les 21 et 22 septembre dernier, il dirigeait l’Orchestre philharmonique royal de Stockholm dans un programme Honegger (Troisième Symphonie « Liturgique ») et Brahms (Quatrième Symphonie), programme déjà éprouvé un peu plus d’un an plus tôt à la tête des Wiener Philharmoniker dans le cadre du Festival de Salzbourg.


Ce soir, c’est dans un programme on ne peut plus classique et relativement court qu’on l’a entendu mais, compte tenu de ses problèmes de santé et de son âge avancé, cela ne doit guère étonner. Et c’est donc au bras de Noah Bendix‑Balgley, Konzertmeister de la soirée, que Herbert Blomstedt fit son entrée à la suite des musiciens, le public redoublant d’applaudissements lorsqu’il se rendit compte que le chef était en train d’arriver sur scène. Le vétéran de 95 ans avait choisi comme première œuvre au programme une symphonie d’un jeune homme de 18 ans à peine, la Troisième Symphonie de Franz Schubert (1797‑1828) ayant en effet été achevée au mois de juillet 1815, soit seulement quatre mois après la Deuxième Symphonie, cette nouvelle symphonie retrouvant avec la tonalité de  majeur celle de la Première. Ayant réalisé une très belle intégrale des Symphonies de Schubert à la tête de l’Orchestre de la Staatskapelle de Dresde lorsqu’il en était le directeur musical, Blomstedt en donna ce soir une version très légère, très allante mais jamais précipitée, et ce en dépit d’un effectif orchestral relativement conséquent (vents par deux, dix premiers et dix seconds violons, huit altos, quatre violoncelles et trois contrebasses, sans compter les timbales). Après une belle introduction, la clarinette de Kilian Herold, ancien soliste de l’Orchestre radio‑symphonique de la SWR de Baden‑Baden et Fribourg), emmena l’orchestre dans un Allegro con brio tout en finesse, Blomstedt veillant à l’équilibre général avec un naturel confondant. Si le deuxième mouvement était largement plus un Andante qu’un Allegretto, on n’en aura pas moins admiré l’élégance qui transparaissait à chaque instant, grâce notamment chez les vents à un trio de solistes en état de grâce (Herold à la clarinette donc, l’inamovible Albrecht Mayer au hautbois et Herman van Kogelenberg à la flûte, ce dernier étant habituellement soliste au sein de l’Orchestre philharmonique de Munich). Après un Menuetto où le facétieux Blomstedt, accentuant légèrement la pulsation à trois temps, se plut à presque faire de Schubert le « père » de la valse viennoise, l’œuvre se conclut par un Presto vivace à l’allure relativement mesurée mais qui n’en suscita pas moins l’enthousiasme du public.


Après l’entracte, Herbert Blomstedt dirigea un cheval de bataille du Philharmonique de Berlin : la Septième symphonie de Beethoven. Assis comme dans la première partie, économe de ses gestes, il n’en galvanisa pas moins l’orchestre qui livra là une splendide version de ce chef‑d’œuvre. Bénéficiant d’une phalange en grande forme, assez étoffée par rapport à Schubert (on passa ainsi, par exemple, à quatorze premiers violons, huit violoncelles et six contrebasses), le chef lança la symphonie à bride abattue, le premier grand tutti dans le Vivace du premier mouvement nous ayant donné des frissons invraisemblables ! Enchaînant attaca les premier et deuxième mouvements, comme il le fera d’ailleurs avec les troisième et quatrième, Blomstedt fit de l’Allegretto un sommet d’élégance là encore, de grandeur sans grandiloquence ni pathos de mauvais aloi, conduisant l’ensemble avec une hauteur de vue dans laquelle les timbres du Philharmonique de Berlin firent merveille. Si le troisième mouvement frappa par sa fraîcheur (tout spécialement les Trios I et II), c’est le quatrième mouvement qui nous aura quelque peu déçu. Etait‑ce la fatigue du chef, sa gestique pas toujours facile à suivre (ses mains invitant les pupitres à intervenir, reprenant de temps à autre une simple battue pour mettre tout le monde d’accord mais, voulant peut‑être laisser un peu de liberté à l’orchestre, trahissant également parfois une certaine absence de conduite) ? Toujours est‑il que deux problèmes furtifs de mise en place entre premiers et seconds violons et une vitesse un rien trop retenue à notre goût n’auront pas permis de conclure cette Septième en apothéose même si l’ovation qui accueillit le dernier accord témoignait de la forte impression laissée ce soir.


Restant assis face à son pupitre sur lequel sa partition de poche sera restée fermée durant tout le concert, Herbert Blomstedt fit lever les solistes et, aux bras du violon solo, salua le public avant un seul retour sur scène, son dernier salut se déroulant presque dans l’encadrure de la porte menant aux coulisses. C’est donc le cœur un rien serré qu’on aura pu l’applaudir debout, comme tout le public de la Philharmonie, en se demandant combien de concerts nous pourrons encore le voir diriger : prenez soin de vous, maestro, on vous aime !



Sébastien Gauthier

 

 

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