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Electrique

Berlin
Philharmonie
06/09/2022 -  et 10, 11 juin 2022
Erwin Schulhoff : Symphonie n° 2, opus 81
Leone Sinigaglia : Romance en la majeur, opus 29 – Rapsodia piemontese, opus 26
Alexander von Zemlinsky : Lyrische Symphonie, opus 18

Lise Davidsen (soprano), Christian Gerhaher (baryton), Noah Bendix‑Balgley (violon)
Berliner Philharmoniker, Kirill Petrenko (direction)


L. Davidsen (© Stephan Rabold)


Avec sa thématique de saison consacrée à la « génération perdue » de l’entre‑deux‑guerres, le Philharmonique de Berlin et son directeur musical Kirill Petrenko rendent hommage aux compositeurs dont le destin a été durablement brisé par le régime nazi, au péril de leur vie pour certains d’entre eux (dont Erwin Schulhoff, mort dans le camp d’internement de Wülzburg). On le sait, la fin de la guerre ne permit pas à toutes ces injustices d’être réparées, de nombreux artistes restant oubliés pour de nombreuses années, avant de conquérir une notoriété tardive avec la fameuse collection discographique « Musique dégénérée », éditée par Decca dans les années 1990.


Parmi la trentaine de disques de la série, Erwin Schulhoff (1894‑1942) s’en est vu réserver deux, tout particulièrement pour son remarquable opéra Flammen (1929). On peut également rappeler que la Cité de la musique s’est aussi illustrée à l’occasion des concerts organisés autour de l’exposition « Le Troisième Reich et la musique » en 2004. C’est davantage en symphoniste que Schulhoff s’est illustré régulièrement tout au long de sa carrière, embrassant plusieurs styles avec bonheur, ce dont s’est opportunément souvenu le Philharmonique de Berlin.


Le choix de la Deuxième Symphonie (1932), à la fantaisie lumineuse proche de Première Symphonie « Classique » (1918) de Prokofiev, démontre combien un tel ouvrage mériterait de figurer régulièrement au programme des concerts. On retrouve un effectif orchestral réduit pour ce petit bijou de verve savoureuse, enflammé par le geste de Kirill Petrenko. Le chef russo‑autrichien imprime des tempi d’une urgence irrésistible, avant de s’apaiser dans le mouvement lent qui joue davantage sur les ambiguïtés tonales, à la manière de Hindemith. Les influences jazzy du Scherzo qui suit surprennent en mettant en avant saxophone et trompette, avec des cordes qui assurent une rythmique sautillante en arrière‑plan. Le souffle dansant donne littéralement envie de se soulever de son siège, mais c’est peut‑être plus encore le début inoubliable du dernier mouvement, avec ses coups martelés et répétés tout du long, qui reste dans les têtes bien après l’écoute.


Après cette courte mise en bouche, Petrenko rend un hommage encore plus bref à Leone Sinigaglia (1868‑1944), avec deux délicieuses pièces pour violon et orchestre d’à peine cinq minutes chacune. Le langage peu novateur de cet ancien élève de Dvorák, proche du romantisme finissant, fait la part belle à la mélodie, sans jamais tomber dans le lyrisme. Les superbes sonorités du violon de l’Américain Noah Bendix‑Balgley (né en 1984) s’épanouissent dans la Romance en la (1906) avec des phrasés d’une belle sensibilité, qui respirent d’une lumière sereine. D’abord plus affirmée et verticale, la Rhapsodie piémontaise (1904) s’apaise peu à peu, bénéficiant de l’archet tout de clarté de Bendix‑Balgley, qui fait ressortir quelques parties plus humoristiques en ralentissant opportunément le tempo par endroits.


Après l’entracte, la plus connue Symphonie lyrique (1924) de Zemlinsky (1871‑1942), chef‑d’œuvre de son auteur, fait résonner la salle de tous les effets de masse spectaculaires, convoqués au début notamment. D’une grande lisibilité, les phrasés de Petrenko détaillent les oppositions entre pupitres sans aucun maniérisme, étageant les éclats orchestraux, épargnés de toute brutalité. Sa capacité à lier les brusques changements d’atmosphère, comme des vagues qui submergent l’auditeur, est un régal constant, porté par un orchestre en grande forme. Lise Davidsen fait valoir quant à elle un velouté de timbre superlatif, de même qu’une projection éclatante lorsque la voix est en pleine puissance. Son agilité dans le medium lui vaut des applaudissements nourris en fin de représentation, à l’instar de Christian Gerhaher. L’Allemand fait une fois encore l’étalage de sa grande classe vocale, en maître de l’articulation et de la diction, toujours au service du sens. Du grand art, vivement applaudi par le public comme le chef, manifestement ravis.



Florent Coudeyrat

 

 

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