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Bart redresse la barre (à petits pas)

Berlin
Staatsoper Unter den Linden
01/26/2002 -  


P. I. Tchaïkovski : Le lac des cygnes



Bettina Thiel (Odette/Odile), José Martinez (Siegfried), Beatrice Knop (La reine), Jas Otrin (Rotbart), Michael Banzhaf (Benno), Corinne Verdeil, Nadja Saidakova et Michael Banzhaf (Pas de trois).



Patrice Bart (Chorégraphie et mise en scène, d´après Petipa/Ivanov), Luisa Spinatelli (Décors et costumes), Maurizio Montobbio (Lumières).



Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin, Arthur Fagen (Direction).



Salle comble et parterre vaguement mondain au Lindenoper pour la reprise d´un spectacle créé en ces mêmes lieux en 1997, et qui marquait alors le grand retour de Patrice Bart après quatre ans d´absence.



C´est toujours avec plaisir et émotion que l´on vient entendre cette célèbre partition. Plaisir certes un peu mélangé, car le maître de Votkinsk s´y montre capable du meilleur (les poétiques Danses des petits cygnes, la poignante mélancolie d´Odette avant son départ, ou encore le fameux Leitmotiv de la Rencontre en si mineur, par ailleurs directement inspiré du Nie sollst Du mich befragen déclamé par Lohengrin), comme du pire (la reprise un peu balourde de ce dernier thème en majeur pour accompagner la vengeance de Siegfried sur Rotbart, les numéros folkloriques à répétition). Émotion cependant bien réelle : peut-être plus encore que dans la Pathétique, Tchaïkovski aura mis tout son coeur a nu dans cette musique et ce, dans les passages les plus réussis, de la façon la plus sincère qui soit. Inutile de rappeler en particulier (revoir pour cela à l´Accatone le brillant Music Lovers de Ken Russell), combien le compositeur se projetait en Siegfried, lui aussi omnubilé par sa mère et incapable de construire une relation durable avec l´un ou l´autre sexe.



On ne sait si les musiciens du Rundfunk-Sinfonieorchester aiment Piotr Ilitch, mais il est largement permis d´en douter devant la terne prestation qu´ils offrent ce soir-là. Après un bon début très appliqué, l´orchestre sombre vite dans une interprétation complètement ronronnante, pour ne pas dire orphéonesque dans les passages un peu creux de la partition. Quand aux moments forts, ils nous sont expédiés fissa comme autant de tubes préfabriqués à la J.J.G. et dans lesquels le chef Fagen, bien triste D.J., n´arrive jamais à émouvoir. Ce chronique manque d´engagement a malheureusement tendance à déteindre sur les quelques solistes de la Staatskapelle venus en renfort pour l´occasion, en particulier sur un violon solo bien épais, accusant de surcroît de sérieux problèmes de justesse. Seuls les précis et ondoyants arpèges de Birgit Kaar à la harpe surnagent dans cette grisaille musicale.



Le livret est cependant mieux servi par la mise en scène très élégante de Patrice Bart, autrement plus substantielle que l´académisme un peu indigent de son récent Roméo et Juliette (voir notre compte-rendu de la semaine dernière). La décoratrice Spinatelli fournit un travail très agréable, aussi bien dans les scènes lacustres où prédomine un vert et sombre dépouillement très wielandwagnérien, que dans les scènes intérieures où se mêlent harmonieusement champêtre romantisme russe et grandes verrières façon Faust de Lavelli. On peut cependant interroger le choix assez curieux de laisser autour du lac quelques verrières latérales, qui selon nous troublent sensiblement la nudité du drame. Les chorégraphies sont presque toutes un régal pour les yeux, à commencer bien sûr par celles des cygnes, toutes plus ou moins reprises de Petipa/Ivanov et que distinguent un géométrisme et une complexité absolument fascinants. Par endroits (le réveil des cygnes), cette orchestique atteint un symbolisme presque parsifalien, et l´on comprend mal comment un wagnérien aussi affûté que Lucien Rebatet ait pu taxer Petipa d´antimusicalisme. On aime aussi les mouvement que Bart semble avoir imprégnés de sa griffe, en particulier l´anguleux pas de deux esquissé par Rotbart et la Reine au début du deuxième acte, ou encore certains quadrilles masculins de la scène de l´anniversaire, animés d´un punch et d´une efficacité toutes américaines.



Les danseurs semblent prendre un vif plaisir à cette production, en particulier le corps de ballet nettement plus en forme (et plus en place) que la semaine dernière. Les solistes sont tous remarquables. On sent parfois l´effort dans les mouvements de José Martinez, mais ce superbe danseur est Siegfried avec une évidence confondante, incarnant sans la moindre mièvrerie cette incurable mélancolie qui le caractérise. Plus à son aise en Odile qu´en Odette, l´altière Bettina Thiel est peut-être un tout petit peu moins touchante que son partenaire. Cependant la beauté un peu exotique de son grand corps et la noblesse de son interprétation finissent par fasciner, pour ce qu´ils éclairent ses personnages d´un jour inattendu. Le couple maudit que forment la reine et son premier ministre reste parfaitement assorti, et distille avec un puissant magnétisme ses influences nocives, même si le rayonnement est parfois un peu trop mat du côté de Rotbart.



Au final une excellente soirée, juste un peu gâchée par un orchestre beaucoup trop monotone, mais dont nous gageons qu´il saura se reprendre lors des prochaines représentations.



Thomas Simon

 

 

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