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Wilkommen Maestro !

Berlin
Philharmonie
08/23/2019 -  et 25 (Salzburg), 28 (Luzern), 31 (Bucuresti) août 2019
Alban Berg: Lulu-Suite
Ludwig van Beethoven: Symphonie n° 9 en ré mineur, opus 125

Marlis Petersen (soprano), Elisabeth Kulman (mezzo-soprano), Benjamin Bruns (ténor), Kwangchul Youn (basse)
Rundfunkchor Berlin, Gijs Leenaars (chef de chœur), Berliner Philharmoniker, Kirill Petrenko (direction)


K. Petrenko (© Stephan Rabold)


Que cette soirée était attendue! La Philharmonie de Berlin affichait complet depuis plusieurs semaines pour cet unique concert qui, ce soir, créait l’effervescence dans le hall de la grande maison jaune posée en lisière de Tiergarten: tapis rouge, accueil d’invités VIP par Andrea Zietzschmann, intendante de l’orchestre, crochets en direct à la radio et à la télévision... Car tout le monde attendait avec impatience ce premier concert dirigé par Kirill Petrenko à la tête de son orchestre désormais, puisque le premier conduit en sa qualité de directeur musical, lui qui n’avait jusqu’alors dirigé les Berliner Philharmoniker que sous le statut de chef invité. La capitale allemande retenait son souffle et se préparait donc à un véritable événement: comment d’ailleurs ne pas être impressionné par le fait que le quotidien Berliner Morgenpost y consacrait, vendredi 23 août, toute une page et que le Berliner Zeitung du même jour faisait figurer un article sur le sujet en première page? Ajoutons à cela que, dès dimanche (le 25 août donc), Der Tagesspiegel consacrait au concert un long article au sein de ses pages Culture, le Berliner Morgenpost et le Berliner Zeitung commençant même leurs compte rendus respectifs en une, photos du concert à l’appui! Depuis quand un grand quotidien français a-t-il fait figurer un article sur la musique classique à sa une? Quelle différence d’appréhension de la musique classique entre nos deux pays, encore une fois...


Bref, effervescence à la Philharmonie donc. Quand Abbado prit les rênes du Philharmonique, son programme inaugural comme directeur musical associait, en décembre 1989, l’Inachevée de Schubert, Dämmerung de Rihm et la Première Symphonie de Mahler. Au moment de lui succéder, au début du mois de septembre 2002, Sir Simon Rattle dirigeait Mahler de nouveau (la Cinquième) mais aux côtés d’Asyla de Thomas Adès. A défaut d’avoir inclus dans son programme une œuvre contemporaine, Kirill Petrenko a néanmoins choisi d’associer un «classique du XXe siècle» à un «classique» tout court pourrait-on dire, la Neuvième de Beethoven (jouée dès le lendemain lors d’un immense concert en plein air sous la porte de Brandebourg), œuvre que Karajan avait choisie pour inaugurer la Philharmonie au mois d’octobre 1963. Après l’arrivée habituelle de l’orchestre, Petrenko entra sur scène: un bref salut au public et le voici qui emmène tout d’abord les musiciens et le public dans les sonorités de la Seconde Ecole de Vienne. Les couleurs diaphanes de la partition prennent une tournure presque vénéneuse sous la baguette du chef qui, souvent avec une faible amplitude gestuelle, fait intervenir les différents solistes sans effervescence (saxophone, dont le nom de l’excellent titulaire ne figure malheureusement pas sur le programme, trompette, violoncelle...) dans un Hymne - Sostenuto extrêmement habité, le foisonnement orchestral prenant le dessus dans un Ostinato: Allegro de toute beauté, la modernité de cette œuvre ne cessant d’étonner. Après l’intervention de Marlis Petersen dans le Comodo, c’est de nouveau l’orchestre qu’on admire, mais dont le cachet sollicite plus le côté spectaculaire de la partition que sa face inquiétante. Après Claudio Abbado en mai 2011, voici la Suite de «Lulu» de retour sur la scène de la Philharmonie de Berlin: à quand l’opéra complet en version de concert?


Sans nul doute, la seconde partie du concert était la plus attendue tant l’alchimie entre le Philharmonique de Berlin et les symphonies de Beethoven est entrée dans la légende. Or, à coup sûr, Kirill Petrenko en aura dérouté plus d’un! Dès les fameux sextolets du premier mouvement, le chef adopte une certaine sécheresse. Pas de legato intempestif non plus que de fondus-enchaînés! Bien au contraire, la partition est analysée sous nos yeux, Petrenko n’hésitant pas à être abrupt dans les changements de nuances, préférant aux assises des sept contrebasses les accents des cuivres (les quatre cors et les deux trompettes notamment). Kirill Petrenko donne le sentiment de diriger cette Neuvième tel un combattant, avec une certaine fébrilité peut-être (on peut le comprendre au regard de l’enjeu que représente pour lui ce concert) qui provoque d’ailleurs quelques micro-décalages. Même impression dans le Molto vivace qui suit: dans un rythme très allant, le chef conduit un orchestre chauffé à blanc dans un tourbillon où la clarté domine, les derniers accords étant plus «enlevés» que véritablement «assénés». Après un troisième mouvement où l’on aura, à titre personnel, enfin retrouvé l’atmosphère qu’on souhaite y entendre (quels musiciens, à commencer par le corniste Andrej Zust!), Petrenko aborde le célèbre quatrième mouvement avec un rien de hâte, le célébrissime thème de l’Ode à la joie ne bénéficiant de fait d’aucune grandeur. Est-ce cela la Neuvième? Est-ce que ça doit être cela? Toujours est-il que l’enchaînement rapide avec la partie chantée nous semble gommer le climat voulu tant par le compositeur que par Schiller (quel timide «Freude» déclamé par le chœur!), le début étant par ailleurs handicapé par une basse, Kwangchul Youn, à la voix chevrotante et au timbre assez désagréable. Le reste du quatuor fut bien meilleur, sans compter un excellent Chœur de la Radio de Berlin, préparé par l’habituel Gijs Leenaars.


En fin de compte, lors de ce concert, Kirill Petrenko nous aura semblé avoir surtout «désacralisé» la Neuvième Symphonie de Beethoven. Sans dire pour autant qu’il l’a «banalisée», il ne lui aura néanmoins jamais conféré ce statut d’horizon indépassable devant lequel une certaine révérence nous semble de mise. Les deux options se défendent, sans aucun doute: force est de constater que, ce soir, celle de Petrenko ne nous aura pas convaincu.


La fin de la symphonie, légèrement bousculée, suscita pourtant un triomphe, le public se levant immédiatement pour saluer son orchestre et, surtout, son nouveau chef. Comme souvent lors des grands concerts du Philharmonique, une grande partie des spectateurs continua à applaudir une fois les musiciens partis, rappelant sur scène le chef seul. Ce que fit Kirill Petrenko, à la fois ému et ravi d’avoir franchi une étape fondamentale, visiblement avec succès. Autant dire que la suite est fortement attendue tant par ses thuriféraires que par ses détracteurs ou, tout simplement, par les auditeurs encore un rien sceptiques.


Le site de Marlis Petersen
Le site d’Elisabeth Kulman
Le site de Benjamin Bruns
Le site de Kwangchul Youn
Le site de Gijs Leenaars
Le site de l’Orchestre philharmonique de Berlin
Le site du Chœur de la Radio de Berlin



Sébastien Gauthier

 

 

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