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Choc de deux symbolismes

Berlin
Philharmonie
09/07/2016 -  
Rued Langgaard : Sfærernes Musik
Richard Wagner : Die Walküre (Acte I)

Siobhan Stagg (soprano), Ronnita Miller, Abigail Levis (mezzos), Peter Seiffert (Siegmund), Anja Harteros (Sieglinde), Georg Zeppenfeld (Hunding)
Chor der Deutschen Oper Berlin, Raymond Hughes (chef de chœur), Orchester der Deutschen Oper Berlin, Donald Runnicles (direction)


A. Harteros, D. Runnicles (© Bettina Stoess)


Parmi les six phalanges de la capitale de l’Allemagne unifiée qui se succéderont sur la scène de la Philharmonie de Berlin lors de cette Musikfest 2016, l’Orchestre de l’Opéra allemand de Berlin (Deutsche Oper Berlin, DOB) donnait un concert exceptionnel par son programme et sa qualité.


Affluence des grands soirs pour ce Sonderkonzert – exceptionnel car à la fois inscrit dans la saison du DOB et dans le programme de la Musikfest. Il est vrai que s’agissant de marketing, le DOB fait mieux que la Musikfest: sa visibilité en termes d’affichage des concerts dans les lieux stratégiques de la ville et l’attractivité même des affiches étant bien supérieures. Pour ce concert dont l’argument publicitaire principal était la présence du soprano Anja Harteros dans la version de concert du premier acte de La Walkyrie, de somptueux posters annonçaient l’événement, quand Musikfest se contente d’affiches aussi peu attractives qu’explicites.


Mais comme toujours le programme du concert n’était pas bradé et en regard du plus célèbre acte de la Tétralogie figurait une œuvre d’un compositeur obscur du XX° siècle, le Danois Rued Immanuel Langgaard (1893-1952). Cet enfant prodige né dans une famille de musiciens et s’étant fait connaître dans les cercles bourgeois et aristocratiques du nord de l’Europe a cependant, et cela plus par l’œuvre au programme (Sfærernes Musik, créée à Karlsruhe en 1921) que par son œuvre et sa carrière d’organiste, attiré l’attention des compositeurs Per Nørgård et György Ligeti. Bien avant des œuvres comparables par leur thématique mystico-symbolique et leur radicalité dans la technique de composition comme celles de Schoenberg, Richard Strauss, Edward Elgar et Gustav Holst, cette Musique des sphères pour trois solistes vocales, chœur, orgue et orchestre a exploité l’idée d’une expérience quasi sensuelle, visant à la fusion entre musique et des thèmes ayant trait à la nature, la religion, le symbolisme et les sciences. La réalisation de cette restitution était exemplaire avec les possibilités de spatialisation du son dans la salle et la qualité du travail de l’Orchestre et du Chœur du DOB ainsi que des solistes et a remporté un véritable triomphe.


Pas autant cependant que le premier acte de La Walkyrie, heureusement séparé par un long entracte bien que l’analyse du programme de salle (toujours réservé aux seuls germanistes) établisse de nombreux ponts entre le symbolisme de la thématique de Langgaard et celles des mythologies nordiques qui ont inspiré Wagner. Il est aussi certain que l’analyse musicale de l’œuvre du Danois permet de faire un sort à l’idée encore trop répandue que la musique de Wagner serait une impasse dans l’histoire de la musique. La déception de ce premier acte venait de la direction du chef américain Donald Runnicles qui, après avoir fait sensation avec Langgaard, a échoué dans Wagner, faisant traîner le flux dramatique en réservant un sort au moindre leitmotiv et à chaque détail instrumental un peu caractéristique. Georg Zeppenfeld a fait grande impression dans le rôle très court mais intense de Hunding, à qui il a donné toute sa noirceur sans aucun effet de brutalité. On aurait préféré un Siegmund plus juvénile que le ténor Peter Seiffert, excellent wagnérien mais au timbre un peu gris et usé désormais. Cependant, compte tenu de l’usure de ses moyens, il a réalisé une performance assez étonnante, ayant toujours un volume vocal considérable lui permettant de tenir héroïquement ses «Wälse», quoique pris un peu en dessous des notes, et de donner à son envol final un éclat certes un peu forcé mais hautement dramatique.


Mais le public n’avait d’yeux et d’oreilles que pour la magnifique Sieglinde d’Anja Harteros. La Kammersängerin, idole absolue du public munichois, avec une plastique sculpturale et une voix à la technique et au timbre indiscutablement les plus somptueux du moment, a chanté ce rôle avec un lyrisme et une intensité admirables. Bien que la comparaison ne s’impose pas, la nature de leur voix et de leurs tempéraments étant fort différents, on n’avait pas entendu un tel feu vocal et éprouvé une telle compassion pour Sieglinde depuis l’incarnation qu’en donnait Júlia Várady à Munich précisément. Si Anja Harteros, aussi modeste que somptueuse, a reçu la part de triomphe qui lui revenait, le public a chaudement félicité l’ensemble des forces qui ont porté ce concert à un tel degré d’intérêt et de réussite.



Olivier Brunel

 

 

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