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Un Verdi vite expédié

Berlin
Komische Oper
11/21/1999 -  26*, 30 Novembre, 6, 21 et 29 Décembre 1999
Giuseppe Verdi : Don Carlos
Gertrud Ottenthal (Elisabeth), Carol Sparrow (Eboli), Frank van Aken (Don Carlos), Ned Barth (Rodrigue), Philip Kang (Philippe II), Jaco Huijpen (Grand Inquisiteur), Neven Belamari (Un moine), Brigitte Geller (Voix céleste)
Klaus Dieter Kist (mise en scène), Kathrin Kegler (décors), Jutta Harnisch (costumes)
Orchestre et choeurs du Komische Oper, Vladimir Jurowski (direction)

Comme autrefois son homologue français, l’opéra comique de Berlin construit une bonne partie de sa saison sur la représentation d’opéras du grand répertoire en version allemande, les versions originales sous-titrées étant réservées en général aux deux autres maisons lyriques de la ville. Il faut louer ce souci pédagogique et ce refus de se soumettre au format de l’opéra "international", d’autant plus que l’on peut finalement y gagner un nouveau point de vue sur les oeuvres en question : celles-ci sonnent bien différemment dans une autre langue, parfois même tout à fait neuf et sans que l’on doive nécessairement parler d’exotisme. En l’occurrence, le choix de l’allemand est assez justifié pour Don Carlos, puisque l’on sait que les librettistes Méry et Du Locle s’y sont (assez largement) inspirés de la pièce éponyme de Schiller.

Cette nouvelle production de l’un des meilleurs opéras de Verdi laisse un goût mi-figue mi-raisin. Pourtant, on ne saurait contester la qualité des "matières premières" qui composent ce spectacle : dépouillé, presque uniquement constitué de beaux et larges panneaux triangulaires s’ouvrant et se fermant suivant le degré d’étouffement du drame, le décor plante d’emblée une atmosphère saisissante. Et il évite parfaitement l’écueil du minimalisme fonctionnel grâce à de subtiles lumières qui caractérisent très bien le cloître de Saint-Juste, les jardins de la Reine, la chambre de Philippe, les geôles de l’Escurial. Dans ces sombres lieux résonnent des voix assez grandes, parfois réellement superbes. Citons en détail un bel Infant vickersien (ce qui nous rappelle que ce dernier en avait donné à ses débuts - en 1959 à Covent Garden - une composition magistrale sous la direction de Giulini, il en reste une trace chez Mélodram) quoique un peu fatigué et parfois précieux dans ses pianos, un Philippe II intelligent et autoritaire mais un brin dispersé dans "Sie hat mich nie geliebt", une Élisabeth très émouvante pour ce rôle un peu ingrat et tirant vraiment son épingle du jeu dans son grand air du dernier acte, un Rodrigue à la technique parfaite et assurément le chanteur le plus italien de la soirée, enfin un Grand Inquisiteur formidable et très à l’aise dans sa rare tessiture de basse profonde. Seule Eboli et son timbre sans velouté ni profondeur de son nous ont laissé un peu sur notre faim.

Malheureusement, ces beaux ingrédients sont tombés dans les mains de deux animateurs bien peu inspirés. Klaus Dieter Kist a sans doute voulu dynamiser l’opéra en choisissant une direction d’acteurs tout en mouvements, en gestes tranchés, parfois même brusques. Ceci nous semble un contresens pour ce qui doit rester un drame crépusculaire et tout intérieur, se déroulant au sein d’une société régie avant tout par une stricte étiquette. Le résultat est de toute façon assez brouillon, notamment dans les scènes chorales, et touche même au ridicule avec les contorsions épileptiques de l’Inquisiteur qui finit par jeter sa canne à terre tel une mégère excédée. Mais le problème vient surtout de la fosse. Malgré des silences démesurés et des roulements de timbales karajanesques qui en mettent plein l’ouïe aux spectateurs, Vladimir Jurowski propose une lecture de l’oeuvre trop parcellaire, choisissant dans les scènes masculines des tempi ou bien trop excités (par exemple dans les duos Carlos/Rodrigue) ou bien faussement magistraux et bouffissant une musique déjà quelque peu suspecte de grandiloquence (l’Autodafé). Il se rattrape cependant en présence des femmes, où sa direction devient plus coulée, plus limpide. Mais dans l’ensemble les "divines longueurs" de l’oeuvre, qui en font tout le prix et aussi toute la modernité, sont passées à la trappe et l’on quitte le théâtre avec la légère impression d’y avoir entendu beaucoup de bruit pour rien.



Thomas Simon

 

 

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