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Berlin dans Bruckner

Berlin
Philharmonie
12/05/2015 -  et 6, 7 décembre 2015
Wolfgang Amadeus Mozart : Concerto pour piano et orchestre n° 25 en ut majeur, K. 503
Anton Bruckner : Symphonie n° 9 en ré mineur

Till Fellner (piano)
Berliner Philharmoniker, Bernard Haitink (direction)


B. Haitink (© Todd Rosenberg)


Dans le cadre des concerts d’abonnement de la Philharmonie, le Philharmonique de Berlin retrouvait pour trois concerts le grand chef Bernard Haitink, un habitué de l’orchestre puisqu’il le dirigea pour la première fois en mars 1964 dans un programme entièrement consacré à Beethoven. En revanche, il s’agissait là des débuts du pianiste Till Fellner avec la prestigieuse phalange: confrontation a priori des plus intéressantes!


Et pourtant, on en sera pour ses frais dans un Vingt-cinquième Concerto de Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) d’une platitude incroyable. Ah c’est sûr: point de facéties ni de joyeuses équipées chez ce Till-là! Un jeu très propre certes mais, avouons-le, on ne pouvait attendre moins compte tenu des faibles difficultés techniques de l’œuvre... Ce qui a surtout fait défaut, c’est tout simplement la vie (un troisième mouvement d’un ennui profond), le jeu du soliste s’avérant trop souvent affecté (les trilles dans le deuxième mouvement) et d’une sagesse excessive où l’on avait peine à croire que c’était Mozart que l’on jouait. Conduisant un orchestre conséquent qui comptait entre autres dix premiers violons, Haitink fut un accompagnateur attentif mais, de ce côté-là également, on ne perçut guère de velléités pour bousculer un discours bien sage. En dépit de cinq rappels, le pianiste (né en 1972) ne donna aucun rappel, achevant de nous donner une impression d’inachevé: signalons néanmoins aux amateurs que Till Fellner interprètera ce même concerto avec l’Orchestre national de Lille les 10 et 11 décembre prochain (respectivement à Lille et à Boulogne-sur-Mer), sous la direction de Tomás Netopil.


Changement de cadre pour la seconde partie du concert, le temps pour les machinistes de la Philharmonie, durant l’entracte, de faire disparaître le piano grâce à une partie de la scène qui s’enfonça dans le sol avant d’être recouverte par un parquet brillant sur lequel furent installées de nombreuses chaises pour porter l’effectif de l’orchestre à près de cent musiciens – seize premiers violons, douze altos, huit contrebasses, huit cors, entre autres! Il est vrai que les Symphonies d’Anton Bruckner (1824-1896) requièrent toutes un orchestre conséquent et ce n’est pas la Neuvième (1887-1896) qui le démentira. On le sait: Haitink est un brucknérien de tout premier ordre, lui qui a notamment donné cette symphonie il y a quelques mois pour un fabuleux concert à la tête de l’Orchestre national de France et dont une interprétation à la tête de l’Orchestre symphonique de Londres a récemment été publiée chez LSO Live.


Une fois encore, il aura démontré quel brucknérien il est; il faut dire que, au cours de son histoire, le Philharmonique de Berlin a laissé quelques-unes des plus géniales versions discographiques qui existent de cette symphonie, que ce soit sous la baguette de Wilhelm Furtwängler, Herbert von Karajan, Eugen Jochum ou Günter Wand, pour ne citer que quatre chefs parmi les plus emblématiques dans cette œuvre. Autant dire que l’orchestre a cette symphonie dans le sang! Et on ne peut éprouver un autre sentiment en entendant les premières attaques des cordes, l’orchestre étant ce soir sous la houlette du Konzertmeister Daniel Strabawa: comment ne pas vibrer lorsque les musiciens empoignent ces légatos avec une telle passion? Mais écouter ne suffit pas avec ce type d’orchestre: il faut également le regarder tant son jeu s’avère visuellement fascinant. Ainsi, comment ne pas ressentir toute la force de la partition lorsqu’on voit notamment les premiers violons Bastian Schäfer et Alessandro Cappone s’engager de la sorte? Comment ne pas frissonner en regardant le pupitre des contrebasses (conduit par l’extraordinaire Matthew McDonald), où les instrumentistes usent de la totalité de la longueur de leur archet, la rapidité de certains traits n’empêchant pas le spectateur de voir les mêmes gestes répétés par huit joueurs au millimètre près?


Bénéficiant d’un tel outil, Haitink livra un premier mouvement (Feierlich, misterioso) d’une souveraine beauté, servie par un sens de la progression que rien ne peut arrêter. Seule anicroche, mais de taille: les trompettes qui firent une grossière erreur alors qu’elles étaient à découvert juste avant la coda, ce qui leur valut sûrement d’être le seul pupitre que Haitink ne fit pas se lever au moment des saluts. Le Scherzo fut abordé avec une violence contenue mais là encore implacable: en outre, Haitink, comme il l’avait démontré à Paris quelques mois plus tôt, sut de nouveau faire du Trio central un passage intéressant et non une simple transition entre le thème du Scherzo et sa reprise. Abordant le troisième mouvement de façon assez allante, il conduisit l’orchestre de façon là encore tout à fait superlative, permettant aux solistes du Philharmonique (Emmanuel Pahud à la flûte, Albrecht Meyer au hautbois, Stefan Dohr au cor, le «vétéran» Christhard Gössling au trombone) de s’illustrer à chacune de leurs interventions. Même si les quatre Wagner-Tuben furent à la limite de la rupture à la toute fin du mouvement – qui passa toutefois sans accident – et si certains traits solistes sont peut-être ressortis avec un peu trop d’acuité, force est de constater que cette Neuvième fut impériale.


Pourtant habitué aux grands concerts, c’est donc un public debout qui contraint Bernard Haitink à revenir seul sur scène, l’orchestre ayant déjà regagné les coulisses, pour l’ovationner, saluant en lui celui qui, ce soir, s’était de nouveau affirmé comme un brucknérien majeur de notre temps.


Le site de Till Fellner



Sébastien Gauthier

 

 

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