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Le son du cor... Berlin Philharmonie 09/07/2014 - Richard Strauss : Don Juan, opus 20 – Concerto pour cor et orchestre n° 2 – Ein Heldenleben, opus 40 Jörg Brückner (cor)
Münchner Philharmoniker, Semyon Bychkov (direction)
S. Bychkov (© Sheila Rock)
Richard Strauss, pour un orchestre munichois, c’est vraiment la spécialité de la maison! C’est avec un programme entièrement dédié au compositeur bavarois que se sont produits les Münchner Philharmoniker au grand complet, effectif d’Une vie de héros oblige! Et sa programmation prenait la suite logique du concert du Concertgebouwe la veille avec deux autres de ses poèmes symphoniques et suivait la thématique du cor avec le Second Concerto dédié par Strauss à cet instrument.
En ce beau dimanche de fin d’été, la grande salle de la Philharmonie était nettement moins pleine. Pourtant le remplacement de Lorin Maazel par Semyon Bychkov avait été annoncé bien avant la disparition du maestro américain, ainsi que le changement de programme: Strauss contre Bruckner. Pouvait-on en vouloir aux absents d’avoir préféré jouir d’un couchant qui pommelait le beau ciel bleu berlinois de nuages de teintes abricots ou d’imaginer entendre au crépuscule dans le Tiergarten voisin encore plein du souvenir des chasses des princes-électeurs la nostalgie des appels du cor? Pourtant, crépusculaire et nostalgique était ce programme, principalement le Second Concerto pour cor, dont l’orchestre se pare de toutes les teintes de Capriccio, le dernier opéra, et les plaintes de l’Andante ne sont pas si éloignées de celles des plus tristes des Quatre derniers Lieder. Une vie sépare ce concerto créé à Vienne en 1943 et le Premier, composé à dix-neuf ans comme cadeau à son père, premier corniste de l’Orchestre de la Cour de Bavière. Strauss, à la fin d’une carrière bien remplie et à la veille des années les plus noires de sa vie, ne cherche plus à faire la démonstration des possibilités techniques et harmoniques de cet instrument qu’il privilégiera dans tout son œuvre, mais se rapproche plus de l’idée que l’on pouvait se faire du postclassicisme viennois sans même s’alanguir comme il l’a fait, dans ses opus ultimes, sur la fin d’un monde dont il était le témoin. Jörg Bruckner, corniste originaire de Leipzig et ancien de la Staatskapelle de Dresde, a rejoint comme chef de pupitre les Münchner Philharmoniker en 2008. Il n’a fait qu’une bouchée des difficultés techniques de l’œuvre et su imposer le ton si particulier, presque intimiste de cette musique. Pour l’émotion, il a fallu attendre, et être hautement récompensé, le déchirant dialogue avec le premier violon – Sreten Krstic – qui conclut Une vie de héros, dans lequel les deux instrumentistes se sont surpassés.
Si dix années seulement séparent Don Juan et Une vie de héros, elles suffisent à démontrer les progrès réalisés par Strauss dans l’élaboration de sa musique à programme. Semyon Bychkov a fait preuve d’une belle autorité à la fois sur le coup de maître instrumental qu’est Don Juan mais surtout dans le monumental poème Une vie de héros, dont il a détaillé les sept parties avec beaucoup de subtilité. On ne peut croire que l’orchestre soit victime du piège de la trop bonne acoustique du lieu, tant on sait et regrette que la tendance du chef russe est de pousser toujours sa formation aux extrêmes de la sonorité.
Olivier Brunel
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