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Maximum Vengerov

Berlin
Konzerthaus
01/21/2001 -  
F. Liszt : Tasso, Lamento e Trionfo
F. Mendelssohn Bartholdy : Concerto pour violon et orchestre en mi mineur, op.64
H. Berlioz : Symphonie fantastique, op.14

Maxim Vengerov (violon)
Deutsches Symphonie-Orchester Berlin, Kent Nagano (direction)


1849 est une année importante dans la vie de Liszt : après une longue période de voyages dans toute l'Europe princière et dédiée à sa carrière de virtuose, il accepta une situation moins prestigieuse et nettement moins bien payée de Kappelmeister à Weimar, pour se consacrer plus entièrement à la musique contemporaine (en l'occurrence Wagner et Schumann, dont on sait qu'il y créa Lohengrin et Faust l'année suivante). À Weimar, 1849 fut également l'année du centenaire de la naissance de Goethe et l'occasion (déjà !) de commémorations, marquées notamment par des représentations de Torquato Tasso. Liszt fut alors tenté d'écrire une musique de scène pour la circonstance, mais la lecture simultanée du poème de Byron lui donna l'idée d'une oeuvre aux formes nettement plus ambitieuses, et qui allait devenir le deuxième de sa fameuse série des poèmes symphoniques (Ce qu'on entend sur la montagne étant conçu plus tard mais terminé plus tôt, d'où son numérotage en première position). De ces Tondichtungen dont certaines pages sont dans toutes les oreilles, mais que l'on entend relativement peu au concert finalement, Tasso demeure l'un des plus admirés dans les manuels, même si l'auditeur d'aujourd'hui peut penser que cette oeuvre succombe trop facilement à l'esthétique romantique du "gouffre", et n'atteint pas les sommets de certains poèmes ultérieurs, de la Faust-Symphonie en particulier. Nagano, son orchestre et sa coupe de cheveux lisztienne livrent une interprétation intéressante, très nuancée, mais de timbre un peu gris dans l'ensemble. On veut croire que les musiciens sont desservis par l'acoustique notoirement sèche du Konzerthaus (et plus adaptée au répertoire classique), mais cette impression est démentie par quelques splendides tutti sur la fin.

D'ailleurs, le concert devint nettement plus intéressant par la suite, même dans un programme plus convenu. Il faut dire que le charisme quelque peu outrancier de Maxim Vengerov vaut à lui seul le déplacement. Sourcils sans cesse surélevés, joues et yeux amoureusement tournés vers son seul violon, corps penché vers l'avant et en perpétuel déséquilibre sur la pointe des pieds (parfois d'un seul pied...), main gauche dans la poche pendant ses pauses et dodelinant alors de la tête en direction de Nagano comme pour lui donner des indications de tempo, ce personnage semble plus sorti de l'univers d' Il pleut des cordes que d'un quelconque conservatoire, et n'est assurément pas le modèle de posture physique que les professeurs de violon conseillent de suivre à leurs élèves !

Et cependant, quel style ! Maîtrisant évidemment toutes les difficultés de la partition (en particulier dans le périlleux troisième mouvement, où toutes ses postures se font alors curieusement plus sobres !), Vengerov est surtout un violoniste bien plus séduisant musicalement que toutes ses cadettes américaines formées chez Suzuki et dont on nous rebat les oreilles. À 25 ans, l'âge de la maturité, sa fougue et son style indéniablement russe sont intacts et font vraiment merveille dans le Concerto de Mendelssohn, dont aucun de ses contemporains ne semble capable d'exprimer aussi pleinement le sourire mélancolique. Ce slavisme affirmé pourra aussi faire trembler les puristes, mais on est en droit de le trouver irrésistible, et l'accueil du public fut proprement triomphal. Triomphe un peu exagéré bien sûr, et qui décontenança tous ceux que ce numéro de petit génie avait plus agacé qu'autre chose (en particulier les musiciens de l'orchestre, qui restèrent de marbre...). Il est malgré tout réconfortant pour la santé de la musique classique de voir que ce type de standing ovation excessive ne soit pas reservé aux seules vedettes du chant.

Vengerov commettra cependant l'erreur de vouloir en faire trop, nous gratifiant en bis d'une version de son cru de Toccata et fugue pour violon baroque solo. Version certes amusante (et aussi très musicale) au début, mais qui par la suite n'échappa guère au genre trop démonstratif du morceau de bravoure, écueil qu'il avait pourtant magistralement évité lors du Concerto. De plus, il ne sort pas toujours gagnant de son petit jeu, trahi par une corde grave de plus en plus fausse et par quelques emmêlages de pinceaux rythmiques. Le public ne s'y trompe pas d'ailleurs et lui réserve alors des applaudissements plus mitigés. Ils rappelera quand même cinq ou six fois ce musicien hors du commun.

Soulagés de voir que leur collègue virtuose pouvait parfois commettre quelques bévues, les musiciens du DSO se firent alors un plaisir après la pause de donner une version extrêmement brillante de la Fantastique. Trop effacé en première mi-temps, l'orchestre semblait enfin avoir retrouvé ses couleurs en deuxième, emmené par un Nagano au style définitivement plus berliozien que lisztien. Pour un Français exilé sur des terres traditionnellement accueillantes, mais parfois un peu lointaines, cette fin de concert faisait donc particulièrement chaud au coeur !




Thomas Simon

 

 

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