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Norma au Tibet

Toulon
Opéra
10/22/2013 -  et 25, 27* octobre 2013
Vincenzo Bellini : Norma

Hiromi Omura (Norma), Giuseppe Gipali (Pollione), Stella Grigorian (Adalgisa), Taras Shtonda (Oroveso), Marie Karall (Clotilda), Guillaume François (Flavio)
Chœur de l’Opéra de Toulon, Christophe Bernollin (chef de chœur), Orchestre de l’Opéra de Toulon, Giuliano Carella (direction)
Massimo Gasparon (mise en scène, décors, costumes et lumières), Giacomo Marchesini (assistant à la mise en scène)


H. Omura, S. Grigorian (© Frédéric Stéphan)


L’opéra emblématique du bel canto romantique est aussi l’un des plus redoutables. Ce chant à l’état pur qu’adorait Chopin, et que le compositeur-pianiste ne s’est pas privé de transposer dans ses œuvres les plus lyriques, a de quoi faire trembler les interprètes par son exigence stylistique, plus encore que vocale. Pour ouvrir sa saison, l’Opéra de Toulon a donc eu du courage en décidant de monter le chef-d’œuvre de Bellini.


Henri-Claude Bonnet, maître des lieux, a invité la production du festival de Macerata, pour laquelle Massimo Gasparon avait signé, en 2007, mise en scène, décors, costumes et lumières. Disciple de Pier-Luigi Pizzi, le Vénitien lui rend visiblement hommage, en montrant le même goût pour des décors monumentaux, sobres et classiques (une succession de huit pilastres blancs pour l’acte I), et la même propension aux jeux de couleurs raffinés pour les éclairages et les costumes. Il s’en démarque, en revanche, en prenant de grandes libertés avec le livret: il transforme ainsi les Gaulois en moines bouddhistes, tandis que les Romains sont habillés... en Romains. Il s’en explique dans sa note d’intention en prétendant avoir trouvé de nombreuses «résonances» entre les deux civilisations, mais on ne se rappelle tout simplement pas que les limites de l’Empire romain se soient étendues jusqu’à l’Himalaya. Par ailleurs, Gasparon ne semble avoir donné aucune directive à ses acteurs, qui traversent le plateau avec les gestes et les attitudes dont ils ont l’habitude, ce qui les rend souvent caricaturaux.


Après avoir campé une émouvante Desdemona in loco la saison passée, Hiromi Omura offre une Norma raffinée, riche d’émotion intérieure et de spiritualité. La voix est égale, le sens du legato et la maîtrise du pianissimo apportant à la ligne de chant une noblesse totalement accordée à la morbidezza bellinienne. Certes la soprano japonaise savonne les vocalises les plus ardues, et se montre, de par sa sensibilité, plus portée vers l’aspect contemplatif de l’héroïne que vers les convulsions de la passion et du drame, mais dans cette fidélité à elle-même, elle finit par convaincre tout à fait. A ses côtés, une Adalgisa complémentaire: le mezzo chaleureux, nuancé, aux graves opulents de Stella Grigorian s’accompagne des mêmes exigences que sa partenaire... mais aussi des mêmes limites, avec des vocalises parfois escamotées. Leurs deux voix s’accordent en tout cas de façon idéale.


En méforme à la première suite à une otite, Giuseppe Gipali manque ce soir encore de rayonnement et d’éclat, mais apporte cependant à Pollione son timbre chaud, et surtout la souplesse dans l’émission exigée par cet emploi belcantiste. Dans le rôle d’Oroveso, la basse ukrainienne Taras Shtonda offre une voix au grain somptueux (néanmoins un peu trop slave pour ce personnage) et une solide présence en scène. Quant aux deux autres rôles, les reflets sombres de la belle mezzo française Marie Karall (Clotilde) donnent une intense présence à la confidente de Norma, et le Flavio de Guillaume François est plus que correct.


Mais le meilleur élément de la représentation reste la direction de Giuliano Carella qui, à la tête de la phalange maison dont il est le directeur musical, sait insuffler à la difficile partition de Bellini – on a coutume de dire que Norma est un opéra «de chef» – une puissante théâtralité et un solide sens dramatique. C’est un pur bonheur que de l’entendre faire respirer son orchestre, qui a parfaitement assimilé, en la restituant à l’audience, la pulsation de la ligne bellinienne.



Emmanuel Andrieu

 

 

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