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Une Aïda «en rade» à Toulon

Toulon
Opéra
04/07/2013 -  et 9, 11, 13* avril 2013
Giuseppe Verdi : Aida

Mardi Byers (Aïda), Carl Tanner (Radamès), Carlos Almaguer (Amonasro), Enkelejda Shkosa (Amneris), Wojtek Smilek (Ramfis), Paolo Battaglia (Le Roi), Aurélie Ligerot (Une prêtresse), Vincent Ordonneau (Un messager)
Ballet de l’Opéra de Toulon, Erick Margouet (direction du Ballet), Chœur de l’Opéra de Toulon, Christophe Bernollin (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra de Toulon, Alberto Hold-Garrido (direction)
Paul-Emile Fourny (mise en scène), Sylvie Laligne (assistante mise en scène), Jean-Pierre Capeyron (décors & costumes), Jacques Châtelet (lumières), Erick Margouet (chorégraphies)


(© Patrick Blanchard)


Nous déplorions le mois dernier la ringardise de la mise en scène de l’Otello verdien par Nadine Duffaut à l’Opéra de Marseille, mais c’était sans compter sur celle d’une Aïda présentée ces jours-ci à celui de Toulon, signée Paul-Emile Fourny, étrennée en janvier 2005 à l’Opéra de Nice (qu’il dirigeait alors). Rien ne manque à l’Egypte de fantaisie imaginée par Fourny: temples en ruine ou en construction, obélisques, colonnes aux chapiteaux papyriformes, sphinx, voiles évanescents et fumées en tous genres; très bien, mais où sont les clés de la tragédie qui consume les personnages? Où est passé le sens du théâtre et du drame qui doit habiter toute représentation lyrique? Où faut-il chercher le lyrisme de l’une des partitions paradoxalement les plus poétiques et intimistes de Verdi? En privilégiant le seul aspect visuel (de pacotille, qui plus est), en sacrifiant au grand spectacle la psychologie des personnages, l’homme de théâtre belge perd de vue l’essence même d’Aïda, comme en témoigne le jeu, au mieux grandiloquent, au pire inexistant, des chanteurs.


La direction musicale, confiée à Alberto Hold-Garrido, ne vient malheureusement pas combler les lacunes de la proposition scénique. Le chef espagnol livre une lecture anodine de la partition, réfractaire au subtil équilibre des timbres et au jeu de clair-obscur privilégié par Verdi. Nous lui reprocherons également de casser constamment les rythmes, utilisant à l’envi le procédé du ralentissement subit ou de l’accélération précipité. Dans des mains aussi peu inspirées, l’Orchestre de l’Opéra de Toulon, pourtant remarquable quand son directeur musical, l’excellent Giuliano Carella, le dirige, ne donne pas le meilleur de lui-même ce soir, tout en demeurant acceptable, le chœur maison sonnant, quant à lui, avec éclat, sinon avec justesse...


Le plateau vocal souffle le chaud et le froid, le meilleur côtoyant le pire. Le pire s’appelle Mardi Byers qui se bat avec une impressionnante pugnacité, la soirée durant, contre un rôle meurtrier pour son soprano, qui n’a rien des qualités naturelles nécessaires à une vraie interprète d’Aïda. Hors quelques piani bien conduits, l’Américaine nous inflige une voix aigrelette, stridente et métallique à la fois, par ailleurs handicapée par un accent texan à couper au couteau, autant dire fort pénible à l’oreille. Et ce n’est certes pas le jeu de l’actrice, conventionnel et stéréotypé, qui vient racheter les limites du chant. Les bras nous en sont tombés quand le chef, à l’issue du fameux «Air du Nil», s’est retourné vers le public pour l’inviter à applaudir la prestation de la soprano!


Pour le meilleur (du moins vocalement), on se tournera vers son compatriote Carl Tanner. Son chant ardent, d’un héroïsme et d’un rayonnement saisissants, confère à Radamès l’allure puissamment guerrière d’un commandant en chef. Exprimant sa volonté farouche dans «Se quel guerrier io fossi», il semble céder aux séductions d’Aïda, au troisième acte, plus par désir de régner sur un nouveau pays que par amour pour elle; son jeu, malheureusement, se limite à de plats jeux de sémaphore avec les bras.


L’Albanaise Enkelejda Shkosa ne dispose pas non plus d’une vraie voix de mezzo verdien, mais son interprétation est d’un autre calibre que celui de sa consœur. Les notes de passage se font certes de moins en moins faciles en cours de soirée, mais on applaudit chez elle l’intensité dramatique du chant, qui vire à l’incandescence dans les passages de fureur. Et si l’absence d’une réelle ligne de chant déçoit un peu, on admire, en revanche, les deux extrémités de la tessiture, particulièrement saines. Le baryton mexicain Carlos Almaguer campe un robuste Amorasro: il possède une voix mordante et sonore, mais il se montre cependant avare de nuances dynamiques et a tendance à chanter forte, de façon «vériste» pour tout dire, selon une certaine (et mauvaise!) tradition. Aux côtés d’un Paolo Battaglia faible et routinier en Roi, Wojtek Smilek a toujours les graves de Ramfis, même si on décèle, ici ou là, quelques signes de fatigue, et de légers problèmes d’intonation.


On a connu de plus grandes soirées à l’Opéra de Toulon.



Emmanuel Andrieu

 

 

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