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Une Bohème «révolutionnaire»

Toulon
Opéra
12/23/2011 -  et 27, 29*, 31 décembre 2011
Giacomo Puccini : La bohème

Nuccia Focile (Mimi), Arnold Rutkowski (Rodolfo), Anna Kasyan (Musetta), Devid Cecconi (Marcello), Massimiliano Gagliardo (Schaunard), Roberto Tagliavini (Colline)
Chœur de l’Opéra de Toulon, Chœur d’enfants du Conservatoire national à rayonnement régional de Toulon Provence Méditerranée, Orchestre de l’Opéra de Toulon, Giuliano Carella (direction)
Daniel Benoin (mise en scène, décors et lumières), Jean-Pierre Laporte (décors et costumes)


A. Rutkowski (© Frédéric Stéphan)


La Bohème compte parmi les opéras les plus représentés et les mélomanes du monde entier la connaissent par cœur. Pourtant, elle peut encore surprendre, comme vient d’en témoigner cette production – créée à l’Opéra de Nice en 2003 – qui a conquis les faveurs d’un public venu très nombreux en cette période de fêtes. Le succès de la représentation doit être d’abord porté au crédit de Daniel Benoin et Jean-Pierre Laporte, signataires d’un spectacle respectueux du texte, malgré une transposition (très réussie) pendant les événements de mai 68.


Ainsi, en lieu et place de l’habituelle mansarde, le I se déroule au contraire dans un grand appartement haussmannien, squatté par les «bohèmes» et tapissé d’affiches anarchistes ou révolutionnaires («Elections, piège à cons!»). Le II, la célèbre scène du Café Momus, laisse place à un congrès maoïste à la Mutualité, où Musetta brandit un drapeau rouge. La Barrière d’Enfer, au III, est située dans un des bidonvilles qui existaient encore à l’époque dans la périphérie de Paris. L’acte débute avec l’arrivée, par le fond de la salle, de CRS qui viennent «ceinturer» la scène pour réprimer une éventuelle révolte du «peuple d’en bas». Deux touches poético-oniriques contrebalancent la dureté de cet univers, tout en soulignant l’universalité du sentiment amoureux: la neige tombant des cintres à la fin du I et des pétales de fleurs à l’issue du III.


La fraîcheur des interprètes ajoute encore à la crédibilité dramatique du spectacle, hormis la soprano italienne Nuccia Focile qui, dans le rôle de Mimi, déçoit. Passons sur le fait qu’elle pourrait être la mère de Rodolfo, mais la voix de cette cantatrice autrefois attachante est désormais bien fatiguée, avec des aigus poussifs en outre attaqués plus d’une fois par en dessous. On aurait également rêvé d’une autre spontanéité dans l’incarnation ainsi que d’une autre imagination dans les variations de coloris d’un timbre qui, dorénavant raide et aigrelet, a perdu toute sa séduction. C’est un tout autre bonheur que réserve le ténor polonais Arnold Rutkowski (remplaçant Stefan Pop, initialement annoncé) en Rodolfo. Il confère fièvre et ardeur au héros, insufflant toute la part de poésie requise par ce personnage d’écrivain maudit et toute la sensualité nécessaire à cet amoureux fou et passionné. Dotée d’un timbre séducteur en diable, sa ligne de chant s’avère par ailleurs d’une élégance et d’une chatoyance irrésistibles. Ses «Mimi, Mimi!», sur les derniers accords, procurent un intense frisson qui nouent durablement la gorge des spectateurs. Bref, une véritable découverte!


Les «bohèmes», compagnons d’infortune de Rodolfo, sont tous très bien distribués, à commencer par le Marcello sonore et bien chantant de Devid Cecconi. Le Schaunard de Massimiliano Gagliardo séduit par la clarté de son émission et la chaleur de son timbre tandis que Roberto Tagliavini (Colline) livre un très émouvant «Vecchia zimarra». Enfin, Anna Kasyan, fine musicienne, est une Musetta sensuelle, au timbre corsé. Nous ne manquerons pas de souligner la remarquable prestation des Chœurs de l’Opéra de Toulon et du Chœur d’enfants du CNRR, ni surtout le remarquable travail mené par Giuliano Carella, qui poursuit et peaufine ici son travail avec l’Orchestre de l’Opéra de Toulon, dont il est le directeur musical depuis 2006. Une précision irréprochable, des phrases admirablement déroulées et un tissu sonore rutilant – qui cependant ne couvre jamais les chanteurs – ont fait tout le prix de cette soirée musicale enthousiasmante, couronnée par de très nombreux rappels.



Emmanuel Andrieu

 

 

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