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Deux interprètes de rêve

Toulon
Opéra
03/24/2023 -  et 25, 26 mars 2023
Leonard Bernstein : Wonderful Town
Kelly Mathieson (Eileen), Jasmine Roy (Ruth), Dalia Constantin (Helen), Sabrina Giordano (Violet), Ariane Pirie (Mrs Wide), Maxime de Toledo (Bob Baker), Thomas Boutilier (Wreck), Franck Lopez (Lonigan), Joe Shovelton (Appopolous), Scott Emerson (Speedy Valenti), Sinan Bertrand (Frank), Max Carpentier (Chick Clark)
Chœur de l’Opéra de Toulon, Christophe Bernollin (chef de chœur), Orchestre de l’Opéra de Toulon, Larry Blank (direction musicale)
Olivier Bénézech (mise en scène), Luc Londiveau (décors), Frédéric Olivier (costumes), Marc-Antoine Vellutini (lumières), Johan Nus (chorégraphie), Gilles Papain (vidéo)


K. Mathieson, J. Roy (© Frédéric Stéphan)


Quatre ans avant West Side Story, Leonard Bernstein triomphait à Broadway avec Wonderful Town (1953), une comédie musicale aux rythmes jazzy enivrants, faisant la part belle aux cuivres. Ecrite en seulement un mois, la partition impressionne d’emblée par l’éclat et la fluidité de son orchestration, comme l’élan survitaminé des différentes scènes, qui s’enchaînent sans temps mort – surtout sous la baguette experte, bien qu’un rien trop sonore par endroits, du chef américain Larry Blank.


Le livret décrit la découverte par deux provinciales du quartier new‑yorkais de Greenwich Village, encore populaire dans les années de crise des années 1930 : c’est là le prétexte à un récit d’apprentissage aussi drôle que touchant, où la recherche désespérée d’un emploi se télescope avec la découverte des premiers émois amoureux. L’imagination féconde de Bernstein se régale de la variété des situations dramatiques, entre dîner embarrassant à cinq arbitré par des saillies piquantes aux vents, revue désopilante des soupirants brésiliens en mode « conga » ou encore ensemble déjanté avec chœur lors de la scène finale du night‑club. Outre les divertissements dansés, très nombreux, ce tourbillon d’énergie joyeuse sait aussi laisser la place à l’émotion et à la mélancolie, lorsque les sœurs regrettent leur Ohio natal ou découvrent le pouvoir du sentiment amoureux.


Curieusement, il a fallu attendre 2018 pour découvrir cet ouvrage en création française à Toulon, en une production d’Olivier Bénézech à juste titre couronnée par le Grand Prix de l’Académie Charles Cros : précédée de cet excellent bouche-à-oreille, la reprise affiche logiquement complet pour cette première représentation. On comprend vite pourquoi, tant la mise en scène épouse les situations avec un sens des couleurs et du brio toujours respectueux du livret, bien aidé par les projections vidéo en arrière‑scène de Gilles Papain, évoquant les différents lieux avec un mélange d’élégance et de malice. Avec l’ébouriffant travail sur les costumes, quelques brèves références volontairement anachroniques au début (des émeutes de Stonewall au boys band disco Village People) plantent le décor bohème de l’action, surtout impressionnante dans le travail chorégraphique, d’une ivresse pétillante et toujours juste dans sa parfaite imbrication avec le récit.


Le plateau vocal réuni donne à entendre deux chanteuses d’exception pour interpréter les sœurs, valant à elles seules le déplacement : déjà entendues ici même dans South Pacific en 2022, Kelly Mathieson (Eileen) et Jasmine Roy (Ruth) ravissent à chacune de leurs interventions par la beauté irradiante de leur timbre et leur sens de l’abattage rythmique, d’une précision millimétrée : de là un sentiment d’évidence et de naturel qui ravit tout du long, avant une ovation publique amplement méritée en fin de soirée. Le reste de la distribution tient la route, mais ne se situe malheureusement pas sur les mêmes cimes, surtout Maxime de Toledo (Bob Baker), qui compense une émission vocale chevrotante par une interprétation théâtrale plus affirmée. A ses côtés, les rôles de caractère manquent malheureusement de la folie attendue, du fait d’un jeu d’acteur trop convenu, notamment celui de Max Carpentier. Un bémol mineur pour une production très réussie, qui démontre une fois encore les affinités d’Olivier Bénézech avec ce répertoire, comme jadis Jean‑Luc Choplin.



Florent Coudeyrat

 

 

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