About us / Contact

The Classical Music Network

Toulon

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Emotion et vérité

Toulon
Opéra
01/25/2015 -  et 27, 30 janvier 2015
Leos Janácek : Kátia Kabanová
Christina Carvin (Káterina Kabanová [Katia]), Marie-Ange Todorovitch (Marfa Ignatěvna Kabanová [Kabanicha]), Valentine Lemercier (Varvara), Ladislav Elgr (Boris Grigorjevic), Elmar Gilbertsson (Vána Kudrjás), Zwetan Michailov (Tichon Ivanyc Kabanov), Mikhail Kolelishvili (Savël Prokofievic Dikoj), Sébastien Lemoine (Kuligin), Caroline Meng (Glása), Elisabeth Lange (Feklusa), Annick Mazzani (Une femme), Ballet de l’Opéra de Toulon
Chœur de l’Opéra de Toulon, Christophe Bernollin (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra de Toulon, Alexander Briger (direction musicale)
Nadine Duffaut (mise en scène), Emmanuelle Favre (décors), Danièle Barraud (costumes), Jacques Chatelet (lumières)


(© Frédéric Stéphan)


L’opéra de Toulon ne figure sans doute pas parmi les destinations de l’Hexagone que l’on associerait spontanément à Janacek, et il faut souligner le courage du directeur des lieux, Claude-Henri Bonnet, de mettre à l’affiche pour la première fois dans la maison varoise Kátia Kabanová. Et avec la production de Nadine Duffaut, le pari audacieux se révèle une indiscutable réussite.


Certes, les thuriféraires de relectures «modernes» mettront en avant la fidélité du metteur en scène française envers le livret. Mais ce serait faire une regrettable impasse sur l’authentique justesse expressive de son travail, véritable artisanat théâtral que d’aucuns font mine de dédaigner – à tort. La pertinence d’une direction d’acteurs calibrée, jamais outrancière, en témoigne. Nul besoin de décors ni de transpositions contemporaines pour nous rapprocher au plus près des personnages et du drame qui se noue: la poésie des lumières de Jacques Chatelet suffit à faire vivre les décors à la sobriété assumée d’Emmanuelle Favre. Si les costumes de Danièle Barraud signalent discrètement l’époque, ce n’est pas dans l’illustration du contexte socio-historique que réside l’essence de l’ouvrage, éclairée sans excès par une réalité sociale plus universelle que temporelle – celle de la violence symbolique du groupe, représentée par Kabanicha, et intériorisée par Kátia jusqu’à la culpabilité morbide.


Cette vérité intimiste, intensément émouvante, la direction d’Alexandre Briger la restitue remarquablement. La biographie du chef australien ne ment pas, et l’on entend les enseignements de Pierre Boulez dans cette lecture d’une admirable clarté, qui rend intelligible la structure dramatique de la composition, avec une tension qui ne se relâche jamais. Si les pupitres de l’Orchestre de l’Opéra de Toulon privilégient parfois la texture à la limpidité, ce qui pourrait passer pour un certain romantisme ne trahit cependant jamais l’instinct de Janácek.


La distribution vocale lui rend également honneur, et l’on peut saluer le travail linguistique réalisé par Irène Kudela. Dans le rôle-titre, Christina Carvin manifeste la complexité de Kátia, ses contradictions et sa faiblesse face aux impératifs des convenances, incarnés sans caricature par la puissante Kabanicha de Marie-Ange Todorovitch, à laquelle se soumet l’autorité de façade de Mikhail Kolelishvili, d’une solidité sans faille. Valentine Lemercier laisse poindre la jeunesse sensuelle de Varvara, à laquelle répond la vigueur du Kudriach excellemment timbré d’Elmar Gilbertsson. Ladislav Elgr fait résonner les accents fébriles de Boris, tandis que Zwetan Michailov incarne la lâcheté de Tikhon. Il n’est pas jusqu’aux personnages secondaires qui ne soient caractérisés avec intelligence, à l’instar du Kouliguine de Sébastien Lemoine ou de la servante Glacha de Caroline Meng. La Felouchka d’Elisabeth Lange et l’intervention d’une femme par Annick Mazzani complètent le tableau, sans oublier les chœurs, efficacement préparés par Christophe Bernollin. La production sera reprise dans deux ans à Avignon – et l’on espère qu’elle suscite l’intérêt d’autres maisons: elle en possède la légitimité indéniable.



Gilles Charlassier

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com