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France-Allemagne, musique et mémoire La Grave Eglise Notre-Dame-de-l’Assomption 08/03/2014 - et 4 août 2014 (Aix-en-Provence) Jörg Widmann : Nachtstück – Fantasie – Fünf Bruchstücke
Olivier Messiaen : Quatuor pour la fin du Temps Jörg Widmann (clarinette), Antje Weithaas (violon), Jean-Guihen Queyras (violoncelle), Florent Boffard (piano)
J. Widmann (© Colin Samuels)
Soirée riche en émotions en l’église de La Grave pour la conclusion du festival Messiaen au pays de la Meije: précédé d’un hommage rendu par le fondateur et directeur artistique, Gaëtan Puaud, à l’ensemble des bénévoles sans lesquels la manifestation, édition après édition, ne pourrait se tenir, le dernier concert marque, jour pour jour, le centième anniversaire de la déclaration de guerre de l’Allemagne à la France: quoi de plus prenant que la rencontre paritaire, à cette occasion, entre musiciens des deux pays – Florent Boffard et Jean-Guihen Queyras, d’une part, Jörg Widmann et Antje Weithaas, d’autre part – pour interpréter une œuvre écrite durant la Seconde Guerre mondiale par un Français prisonnier dans un stalag silésien?
On ne reviendra cependant pas plus longuement sur le Quatuor pour la fin du Temps (1941) de Messiaen, car les mêmes le donnaient trois jours plus tôt en plein air au couvent des Cordeliers de Forcalquier. La première partie du concert à La Grave débutait en outre par le Nocturne (2005) de Widmann (né en 1973), également joué lors de cette soirée des Rencontres musicales de Haute-Provence, dont Queyras est l’un des fondateurs et animateurs et dont le compositeur allemand était, cette année, l’invité.
Ce fut néanmoins l’occasion de découvrir deux autres de ses œuvres, au demeurant très différentes. D’abord une Fantaisie (1993) pour clarinette seule qui s’approprie le caractère virtuose du genre, avec force gammes et arpèges, et qui, virevoltant, riant ou gémissant tour à tour, semble suggérer quelque narration ludique, mime ou ballet. Le compositeur, traduit de l’anglais par Queyras, présente ensuite au public ses Cinq Fragments (1997) pour clarinette (en si bémol et en la) et piano: très brefs (7 minutes pour l’ensemble, comme pour la seule Fantaisie), ils marquent une volonté de «réduction, resserrement, concentration» pour rompre avec des compositions beaucoup plus développées, tout en conservant le souci – sourire en coin – d’écrire «une symphonie en cinq mouvements». Entre jeux à la Ligeti et ascèse à la Kurtág, les atmosphères contrastent effectivement de façon radicale d’une pièce à l’autre, avec un même cocktail réussi de virtuosité, d’accessibilité et de modernité qui a par ailleurs le bon goût de ne pas se prendre excessivement au sérieux.
Les regards se tournent désormais vers la dix-huitième édition, qui se déroulera un peu plus tôt que de coutume, du 11 au 19 juillet 2015. Gaëtan Puaud en a révélé le moment fort: Marko Letonja et son Orchestre philharmonique de Strasbourg le 18 juillet dans Et exspecto ressurrectionem mortuorum. Rien d’extraordinaire jusque-là, mais la date –2015, un demi-siècle exactement après la création – et, surtout, le lieu – à 2400 mètres d’altitude en plein air face à la Meije, comme le rêvait Messiaen bien que l’œuvre eût connu sa création privée en la Sainte-Chapelle puis publique en la cathédrale de Chartres – ne manqueront sans doute pas de graver cet événement dans les mémoires.
Le site de Jörg Widmann
Le site de Jean-Guihen Queyras
Simon Corley
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