About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Bartoli, un Haydn plus grand que nature

Paris
Théâtre du Châtelet
01/25/2001 -  27 janvier 2001
Joseph Haydn : Orfeo ed Euridice ossia l'anima del filosofo
Cecilia Bartoli (Euridice/Genio), Raul Gimenez (Orfeo), Albert Schagidullin (Creonte), Antonio Abete (Pluto)
The Academy of Ancient Music, Christopher Hogwood (direction)

Armida tout récemment au disque avec Harnoncourt, Orfeo à la scène avec le même, puis au disque et au concert avec Hogwood ; sommes-nous aux portes de la véritable renaissance des opéras de Haydn (vingt ans de silence après le beau cycle Dorati), ou simplement à un maillon de la brillante carrière de Cecilia Bartoli ? Osons avouer que, cette fois guère plus que les précédentes, l’ultime ouvrage lyrique du compositeur ne nous aura vraiment convaincu. Quitte à paraître traditionaliste, l’invention orchestrale et harmonique, parfois miraculeuse, l’inspiration du matériau thématique ne nous font pas oublier une imperméabilité confondante aux lois de la psychologie et du théâtre, d’autant que si le sous-titre promet des abîmes de profondeur, le livret ne les dévoile guère, en l’état du moins dans lequel il nous est parvenu – au fait, qui nous rendra le Haydn sur les textes autrement marquants de Goldoni ? Les défaillances dramatiques des auteurs ne se voient guère rachetées par les mérites du chef en la matière. A une ou deux heureuses exceptions près (dont la tempête finale), Christopher Hogwood semble ouvrir son robinet d’eau tiède plutôt que fendre les eaux sombres et glacées du Léthé, et les récitatifs, n’étaient les chanteurs, couleraient sans que la moindre bulle en vienne troubler la surface… Ceci admis, et oubliés quelques accidents dans les vents, son orchestre affiche une cohésion sonore et une discipline remarquables – on est loin par bonheur du débraillé des concerts parisiens de Rinaldo. Le chœur étant plein de bonne volonté, mais privé de couleurs et de présence (sans parler de la bouillie oxfordienne qui lui tient lieu d’italien), et les seconds solistes se préoccupant davantage d’étaler leurs moyens que de faire vivre cette musique, toutes les conditions sont réunies pour que l’attention se concentre exclusivement sur le couple principal. Orfeo exige les moyens d’un Idoménée plutôt que d’un Ferrando, et Gimenez peine de fait dans le bas de la tessiture, surtout dans le difficile quatrième acte. Mais les riches harmoniques du timbre, la fermeté et l’élégance de l’émission jusque dans la moindre nuance (brillante messa di voce du premier air, admirables piani partout ailleurs) montrent ce qu’on gagne à confier le rôle à un praticien stylé du bel-canto plus tardif – et s’il faut en payer le prix, ce sera dans les quelques imprécisions rythmiques et les vocalises savonnées. Celles de Bartoli ne redoutent évidemment personne, même si leur articulation martelée tient toujours davantage de l’exploit sportif que de l’authentique leçon de musique que peut dans ses grands jours y délivrer une von Otter. Mais cette dimension physique immédiate, et l’investissement nerveux sidérant de la chanteuse portent d’une inimaginable manière, et nous soulèvent de notre fauteuil pour son air du Génie anthologique. Dans une acoustique idéale pour elle (surtout rapportée à celle du Théâtre des Champs Elysées), cette voix révèle en outre d’infinis trésors, évoquant en de doux et sombres effets de détimbrage les pleins et les déliés de l’archet, capable de projeter le pianissimo le plus subtil ou, mieux encore, d’inviter le public à venir le cueillir sur ses lèvres… Des esprits vétilleux observeront, une fois de plus, l’assise toujours fragile de la voix dans le grave et la phonation très bizarre des voyelles ouvertes qui en résulte, d’autres plus fins s’attacheront à l’extraordinaire sensibilité dont sa diction est empreinte, la pulsation et la courbe à la fois musicale et théâtrale de récitatifs qui vous tirent les larmes, faisant du Haydn de Cecilia Bartoli quelque chose de fort comparable, en somme, au Donizetti de Maria Callas… Un vrai regret alors : pourquoi n’offrir jusqu’ici au public parisien que des personnages à la psychologie si sommaire (même en Haendel, la prosaïque Almirena !) et réserver à celui de Zurich les rôles véritables ?


Vincent Agrech

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com