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Une touche personnelle et subtile Saint-Riquier Abbatiale 07/11/2014 - Charles Gounod: Les Sept Paroles de Notre Seigneur Jésus-Christ sur la Croix
Gabriel Fauré: Requiem, opus 48 (version 1893) Andrew Foster-Williams (baryton), François Saint-Yves (orgue)
Vlaams Radio Koor, Brussels Philharmonic, Hervé Niquet (direction)
H. Niquet (© Nicole Bergé)
Le festival de Saint-Riquier évolue mais le charme des lieux continue à opérer. Originaire de la région, Hervé Niquet en assure la direction artistique depuis cette année en apportant une touche personnelle et subtile. Si la trentième édition, du 9 au 14 juillet, dure moins longtemps que celle des années précédentes (comme 2008, 2010 et 2012), la programmation se concentre presque exclusivement sur la petite ville alors qu’auparavant, le festival prenait aussi ses quartiers dans les alentours: les concerts du soir se tiennent comme d’habitude à l’abbatiale, un spectacle de danse, «Les Indes galantes ou les Automates de Topkapi», se déroule chaque après-midi dans l’Espace Les Capétiens de l’abbaye, du jazz résonne dans la chapelle de l’Hôtel-Dieu tous à les jours à 18 heures 30 et une comédie, Mais où est donc passé Nithard?, est représentée quotidiennement, à 17 heures, au PréÔ – les ossements de l’ancien abbé de Saint-Riquier, petit-fils de Charlemagne, ont été découverts en 1989, égarés puis finalement retrouvés dans l’abbaye en 2011. Ce recentrage rend donc quelque peu superflue la référence à la baie de Somme dans la dénomination de ce festival qui continue par ailleurs à pratiquer des tarifs abordables.
A propos de Charlemagne: l’abbaye, labellisée «Centre culturel de rencontre», héberge jusqu’au 29 septembre une intéressante exposition sur les Carolingiens. La direction cherche en effet à établir des synergies entre la programmation du festival et les projets du centre afin de restaurer la fonction originelle de l’édifice, haut lieu de rayonnement intellectuel depuis le début de son histoire. Outre qu’il axe cette édition essentiellement sur la voix, les Chantres de Notre-Dame rythmant les journées avec des psaumes six fois par jour dans l’abbatiale, le festival renforce son ancrage picard, et pas uniquement en proposant des produits du terroir puisqu’il recourt à l’idiome régional dans la brochure et les programmes, petites feuilles de papier qu’Hervé Niquet rédige lui-même à la main, et qu’un aboyeur accueille le public en dialecte picard.
A défaut de réserver une tribune aux jeunes talents de la musique classique, le festival programme des artistes renommés qui proviennent de la région, d’ailleurs en France et des pays avoisinants, à l’exemple de ce vendredi soir. Le Chœur de la Radio flamande, qui a interprété, deux jours avant, la Neuvième Symphonie de Beethoven avec l’Orchestre national de Lille, sous la direction de l’incontournable Jean-Claude Casadesus, se produit dans Les Sept Paroles de Notre Seigneur Jésus-Christ sur la croix (1855) de Gounod: bonne idée compte tenu de la richesse de la musique sacrée de ce compositeur, qui demeure largement méconnue. Niquet obtient des chanteurs beaucoup de ferveur et de précision, leurs voix, d’une grande pureté, s’alliant naturellement avec l’orgue joué par François Saint-Yves – l’expression reste sobre, la douleur s’exprime avec dignité. L’acoustique relativement réverbérant de l’abbatiale ne porte pas préjudice à la netteté et à la transparence de cette austère composition.
Le Brussels Philharmonic rejoint ensuite les choristes pour le Requiem (1885-1888) de Fauré. Niquet, qui dirige le chœur et l’orchestre avec autant d’intensité que de rigueur, en restitue la douceur, la profondeur et l’apparente simplicité. Les voix féminines séduisent grâce à leur pureté tandis que les voix masculines confèrent une ferme assise à cette interprétation qui s’appuie sur de judicieux contrastes. Timbre remarquable, voix saine et intonation juste, Andrew Foster-Williams ne supplante pas les autres interprètes, ce qui aurait constitué un contresens, mais ne se positionne pas en retrait non plus. La qualité de l’exécution compense donc la brièveté du concert. Lors des saluts, le jardinier de l’abbaye, qui porte un tablier et un chapeau de paille, offre au baryton un bouquet enveloppé de grandes feuilles, à telle enseigne que l’on s’est d’abord demandé, en le voyant arriver, s’il n’apportait pas des légumes.
Le site du festival de Saint-Riquier
Le site du Philharmonique de Bruxelles
Le site du Chœur de la Radio flamande
Sébastien Foucart
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