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Légendes vivantes Tours Parçay-Meslay (Grange de Meslay) 06/21/2014 -
Gustav Mahler : Rückert-Lieder: «Ich atmet’ einen linden Duft!» & «Ich bin der Welt abhanden gekommen» – Des Knaben Wunderhorn: «Wo die schönen Trompeten blasen», «Urlicht», «Das irdische Leben», «Revelge» & «Der Tamboursg’sell» – Kindertotenlieder: «Nun seh’ ich wohl» & «Wenn dein Mütterlein»
Robert Schumann : Gedichte: «Dichters Genesung» & «Liebesbotschaft», opus 36 n° 5 et n° 6 – Minnespiel: «Mein schöner Stern!», opus 101, n° 4 – Gesänge: «Der Einsiedler», opus 83, n° 3 – Lieder und Gesänge: «Nachtlied», opus 96 n° 1 – Gedichte: «Der schwere Abend», opus 90 n° 6 – Myrthen: «Zum Schluss», opus 25 n° 26 – Lieder: «Der Soldat», opus 40 n° 3 – Romanzen und Balladen: «Die beiden Grenadiere», opus 49 n° 1 Matthias Goerne (baryton), Alexander Schmalcz (piano)
Franz Schubert : Sonate n° 2, en ut majeur, D. 279 – Allegretto en ut majeur, D. 346
Johannes Brahms : Intermezzi, opus 118
Robert Schumann : Kinderszenen, opus 15 – Fantaisie en ut majeur, opus 17
Arcadi Volodos (piano)
Lieu mythique sous le charme duquel est tombé Sviatoslav Richter un jour pluvieux de 1963, la Grange de Meslay constitue un témoignage exceptionnel d’architecture monastique à usage agricole. Vaste vaisseau à cinq nefs, elle offre une acoustique feutrée, mate et peu réverbérée qui en font le creuset idéal d’un festival fondé par le pianiste russe et rebaptisé depuis «Fêtes musicales en Touraine», sous le nom duquel il célèbre cette année son cinquantième anniversaire. Et pour la clôture de cette édition particulière, ce sont deux légendes vivantes qui se succèdent en ce samedi du solstice d’été.
M. Goerne (© Marco Borggreve)
Disciple de Dietrich Fischer-Dieskau, Matthias Goerne est généralement considéré comme l’un des grands interprètes actuels du lied allemand, et il le démontre dans un récital mêlant Schumann et Mahler. Certes l’oreille musicologique sait discriminer les deux compositeurs, mais l’habileté et la sensibilité du programme nouent entre eux des parentés secrètes, emmenant l’imagination et l’émotion dans un voyage où le temps semble comme suspendu. L’attention captive de l’assistance en témoigne, abordant la traversée romantique avec Mahler et un chant des Rückert-Lieder, «Ich atmet’ einen linden Duft!», auquel répondent deux Schumann tirés de l’Opus 36. Le contrôle du souffle jusqu’au murmure, soucieux du verbe autant que de la couleur, celle-ci voilant parfois celui-là, plonge dans une atmosphère recueillie, jusque dans le ressac de la mélancolie. Les pages se succèdent, sans pause, comme une narration continue, mettant par exemple l’une en face de l’autre la rêverie éthérée d’«Urlicht» et le pensif «Wanderers Nachtlied» de Schumann. Si l’accompagnement délicat et pudique d’Alexander Schmalcz ne fait luire qu’un pâle reflet de l’orchestre mahlérien, le baryton allemand y supplée presque par sa voix habitée. L’évasion se referme sur des fantômes militaires, ceux des deux grenadiers pleurant la défaite de Napoléon chez Schumann, lequel reprend à la fin du poème le thème de La Marseillaise, tandis que Mahler fait résonner la plainte d’un soldat tambour prisonnier dont les adieux s’évanouissent dans l’incertitude du destin.
A. Volodos
En soirée, Arcadi Volodos présente un programme qu’il approfondit depuis plus un an, troquant seulement Mompou pour Schubert en ouverture, avec la Deuxième Sonate. Œuvre – inachevée, en trois mouvements – de jeunesse que complète presque logiquement l’Allegretto D. 346, elle n’en dégage pas moins l’inspiration inimitable du compositeur viennois, que le pianiste russe révèle dans les phrasés comme dans les modulations avec une simplicité et un naturel admirables. Sans doute portée par la qualité d’écoute du public, la concentration intimiste de son jeu habité s’épanouit avec une spontanéité renouvelée. L’Opus 118 de Brahms se pare de sérénité automnale tandis que les Scènes d’enfants de Schumann se déroulent avec la fluidité d’un album où souvenirs et réminiscences forment un émouvant contrepoint. La soirée se referme sur la Fantaisie en ut majeur, dont la richesse est révélée dans un mélange de douceur et d’éclat – remarquable synthèse de pensée et d’intuition. Parmi les quatre bis qui ponctuent les applaudissements, on retiendra la transcription originale d’une fameuse danse de La Vie brève de Falla réalisée par le pianiste lui-même: syncopes et accords percussifs restituent l’hispanité de la page avec un savoir de l’instrument qui n’a rien à envier à Liszt. Est-ce un hasard, si, à l’instar de la légende hongroise, sa brillante virtuosité recèle aussi une fascinante profondeur de sentiment?
Le site des Fêtes musicales en Touraine
Le site de Matthias Goerne
Le site d’Arcadi Volodos
Gilles Charlassier
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