About us / Contact

The Classical Music Network

Baden-Baden

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Pas de ténor, s’il vous plaît !

Baden-Baden
Festspielhaus
06/11/2014 -  
Airs, Duos, Ouvertures et Intermezzi de Mozart, Berlioz, Massenet, Gounod, Verdi, Bellini, Rossini, Rodgers et Bernstein
Thomas Hampson (baryton), Luca Pisaroni (baryton-basse)
Philharmonie Baden-Baden, Pavel Baleff (direction)


L. Pisaroni, T. Hampson, P. Baleff (© Michael Gregonowits)


Juste après Violeta Urmana, Anna Netrebko et James Valenti, place aux voix graves, avec le récital «No tenors allowed» de Thomas Hampson et Luca Pisaroni. Le concert de Baden-Baden ne porte pas explicitement ce titre, que l’on emprunte à un excellent récital discographique de 1997, consacré exclusivement à des duos de baryton et basse, où Thomas Hampson partageait alors l’affiche avec Samuel Ramey (Teldec). Mais le programme est le même, en alternance avec quelques airs séparés, et on y retrouve une complicité très forte entre les deux protagonistes, sans doute encore accentuée parce que Hampson et Pisaroni se produisent en famille (l’un est le beau-père de l’autre...).


L’atmosphère est en tout cas très smart et détendue, les deux semblant s’être beaucoup amusés à mettre leur récital en scène comme autant d’apparitions à l’opéra, sans toutefois les contraintes d’une direction d’acteurs imposée par un tiers. Et les effets trouvés sont remarquablement justes. Le duo Posa-Philippe II de Don Carlo est par exemple passionnant d’intensité et de crédibilité psychologiques : Thomas Hampson y joue à fond la carte de l’audace passionnée et Luca Pisaroni celle de la fragilité latente d’un souverain solitaire. Sans costume ni maquillage la différence d’âge importante (Hampson a 58 ans, Pisaroni en a vingt de moins) fonctionne à l’envers de la situation exposée, et pourtant on n’est jamais gêné, tant les comportements sont investis et d’une totale vraisemblance. Même rapport d’âge inversé, mais sur le versant comique, avec le duo Pasquale-Malatesta de Don Pasquale, où Pisaroni et Hampson jouent leur rôle, respectivement de barbon et de conseiller rusé, avec une présence drôlatique inénarrable. Davantage centré sur l’expressivité musicale, le brillant «Suoni la tromba» des Puritani de Bellini met à nouveau les deux voix en présence à égalité, d’une semblable aisance en dépit de caractéristiques et de de degré de maturité qui restent évidemment différents.


Car si Pisaroni a pris beaucoup de volume et d’assise dans le timbre depuis ses débuts, la carrure et la projection de Thomas Hampson, surtout perçus ensuite, restent encore plus indiscutables. L’extraordinaire autorité du Comte des Noces de Figaro (un «Hai gia vinta la causa» très sombre, rageur, puissant, et pourtant toujours impeccablement vocalisé à la fin) ou encore la «Vision fugitive» d’Hérode dans Hérodiade de Massenet, voire le très fouillé mais pas du tout exagéré «Credo in Dio crudel» de Iago dans l’Otello de Verdi s’imposent comme ceux d’un chanteur d’une véritable importance historique, même s’il est vrai qu’aujourd’hui la voix paraît plus tendue dans l’aigu et a perdu un peu de sa beauté de timbre de naguère.


Pisaroni paraît évidemment mieux loti en termes de juvénilité, avec une voix homogène mais qui s’effrite sur l’extrême grave d’une tessiture de baryton-basse pas encore tout à fait conquise, surtout dans Verdi. La présence scénique du chanteur, rompu aux rôles de valet de comédie, fonctionne bien (savoureux air de Leporello, chanté non pas en dépliant un papier interminable mais en faisant mine de consulter à grand renfort de manoeuvres des doigts... un ipad mini !) et l’aisance italienne d’un ex-enfant d’Emilie-Romagne qui s’exprime dans sa langue maternelle font le reste : un véritable contrepoids face à Thomas Hampson, pour une soirée à armes à la fois égales et différentes. Très belle démonstration de style enfin dans un impeccable air d’Assur de la Semiramide de Rossini.


Orchestre passionnant aussi, à sa manière : la même modeste Philharmonie de Baden-Baden déjà présente la veille aux côtés d’Anna Netrebko, toujours stimulée à grands renforts de moulinets de bras par Pavel Baleff. Quelle jolie et vive Ouverture des Nozze di Figaro ! Quelle audace dans l’Ouverture de Béatrice et Bénédict de Berlioz (ouvrage créé ici, à Baden-Baden) ! Et puis quelle technicité dans l’accompagnement des voix, avec au cours de la soirée quelques beaux rattrapages de décalages qui auraient sans doute mis gravement en difficulté plus d’une de nos stars de la baguette du moment. Le saxophone d’Hérodiade sonne trop fort et «jazzy», l’effectif est un peu insuffisant pour donner vraiment corps aux grands Verdi, mais le Festspielhaus de Baden-Baden a pu quand même proposer ainsi pour ce concert un soutien autrement plus adapté que le seul pianiste avec lequel Hampson et Pisaroni se sont produits à Paris quelques jours auparavant dans le même type de programme.


Les bis, malheureusement, quittent Broadway (effleuré en fin de parcours avec d’excellents South Pacific de Rodgers et On the Town de Bernstein), pour se tourner vers l’opérette viennoise. Public germanique oblige ? Pisaroni ose «Dein ist mein ganzes Herz» de Lehár et ne s’en sort pas trop mal, puis Hampson reprend le même Kálmán tzigane qu’on lui a entendu chanter on ne sait trop combien de fois en bis, avec toujours les mêmes effets appuyés pour chauffer la salle. Mais il en faut pour tous les goûts, et reconnaissons à Hampson de savoir jouer même les meneurs de revue avec beaucoup de classe.



Laurent Barthel

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com