Back
www.lagazzetta.rossini.it Liège Opéra royal de Wallonie 06/20/2014 - et 22*, 24, 26, 28 juin 2014 Gioachino Rossini: La gazzetta ossia Il matrimonio per concorso Cinzia Forte (Lisetta), Enrico Marabelli (Don Pomponio), Laurent Kubla (Filippo), Edgardo Rocha (Alberto), Julie Bailly (Doralice), Monica Minarelli (Madama La Rose), Jacques Calatayud (Anselmo), Roger Joakim (Monsù Traversen), Lilo Farrauto (Tommasino)
Chœurs de l’Opéra royal de Wallonie, Marcel Seminara (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra royal de Wallonie, Jan Schultsz (direction)
Stefano Mazzonis di Pralafera (mise en scène), Jean-Guy Lecat (décors), Fernand Ruiz (costumes), Franco Marri (lumières)
(© Jacky Croisier)
Le programme exagère : il précise qu’il s’agit d’une création mondiale alors que La gazzetta de Rossini, d’après une pièce de Goldoni, a été créé en 1816 au Teatro dei Fiorentini de Naples, puis remonté à plusieurs reprises. Néanmoins, l’Opéra royal de Wallonie représente l’ouvrage complété avec le quintette du premier acte pour la première fois dans un cadre professionnel, des étudiants du New England Conservatory l’ayant déjà exécuté l’année passée dans cette nouvelle édition. En effet, le manuscrit de la partie manquante, authentifié par Philip Gosset, été retrouvé au Conservatoire de Palerme il y a seulement deux ans, ce que précise, d’ailleurs, le texte de présentation.
La musique, qui reprend des passages de partitions plus anciennes, conformément aux habitudes de l’époque, ne se hisse pas, dans l’ensemble, au niveau de celle du Barbier de Séville et d’Otello, autres opéras du Pesareso créés la même année, mais elle réserve d’excellents moments. L’ouvrage offre aux chanteurs peu d’occasions de briller en échappée, puisque le collectif prévaut, mais l’argument possède du potentiel pour un metteur en scène doté d’un tant soit peu d’imagination : un marchand, Don Pomponio, passe une annonce dans un journal pour marier sa fille, Lisette, amoureuse de Filippo, qui tient une auberge. Elle suscite l’intérêt d’Alberto, un riche jeune homme qui désespère de trouver une femme à son goût. Après des déguisements, des péripéties et des quiproquos, le père accepte que sa fille épouse Filippo tandis qu’Alberto convole avec Doralice, courtisée par un vieux beau, nommé Traversen.
Stefano Mazzonis di Pralafera actualise le propos : l’action se déroule dans un hôtel trois étoiles et Don Pomponio publie l’annonce sur un site Internet. Le directeur général et artistique de l’Opéra royal de Wallonie, qui mettra de nouveau en scène pas moins de trois opéras la saison prochaine, témoigne une fois de plus de sa capacité à imaginer des spectacles, certes assez prévisibles et peu audacieux, mais divertissants, encore que la dimension satirique de l’ouvrage ressorte peu. Le plateau s’anime dans une ambiance bon enfant, mais si les chanteurs se départent rarement d’une gestuelle convenue et vue mille fois, comme ces sempiternelles levées de jambes à la French cancan, il se passe toujours quelque chose grâce, notamment, au fabuleux décor, bien exploité, de Jean-Guy Lecat. Les protagonistes et les membres des chœurs portent d’épatants costumes fantaisistes, dessinés par Fernand Ruiz.
La distribution forme un ensemble soudé. S’ils n’offrent pas de feu d’artifice vocal éblouissant, les interprètes, dont la plupart se produisent régulièrement sur la scène liégeoise, livrent une prestation soutenue, bigarrée, rythmée, le théâtre n’occultant pas le chant, et vice versa. Certains passent un peu plus inaperçus que d’autres, comme Julie Bailly, qui incarne Doralice, et Jacques Catalayud, qui joue son père, Anselmo, alors que la voix ample de la mezzo-soprano Monica Minarelli attire favorablement l’attention dans le rôle, pourtant secondaire, de Madame La Rose. Enrico Marabelli, qui endosse les nobles habits de Don Pomponio, et Cinzia Forte, qui met son joli timbre en valeur dans le rôle de Lisette, remportent la palme de la prestation la plus complète, tant théâtralement que vocalement. Comédien habile, chanteur adroit, Laurent Kubla évolue avec aisance en Filippo mais il ne possède pas encore l’aura qui lui permettrait de le distinguer dans l’important vivier de chanteurs belges actuellement en activité. Authentique ténor rossinien, Edgardo Rocha livre une exemplaire leçon de beau chant en Alberto : timbre attrayant, phrasés élaborés, ornements stylés.
Préparés par Marcel Seminara, les chœurs se montrent égaux à eux-mêmes tandis qu’Andrea Tarantino délivre au pianoforte des interventions inventives durant les récitatifs. Sous la direction scrupuleuse de Jan Schultsz, qui ne bouscule pas les tempi, finalement assez posés, l’orchestre veille à la netteté des contrastes, à la clarté des échanges, à la rondeur de la sonorité. Leur prestation ne provoque toutefois guère de vertige, ni dans les finales, ni dans l’Ouverture, que Rossini a réutilisée pour La Cenerentola, à l’affiche, justement, de l’Opéra royal de Wallonie du 19 au 30 septembre prochain.
Sébastien Foucart
|