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Récital en trois temps

Bruxelles
Bozar, Salle Henry Le Bœuf
06/14/2014 -  
Frédéric Chopin: Sonate pour piano n° 3, opus 58 – Mazurkas, opus 68 n° 2 à n° 4, opus 30 n° 1 à n° 4, et opus 50 n° 1 à n° 3
Grigory Sokolov (piano)


G. Sokolov


Grigory Sokolov (né en 1950), qui a dû reporter son récital du 13 novembre au Palais des Beaux-Arts pour des raisons de santé, se produit ce samedi soir en conservant la Troisième Sonate de Chopin, initialement prévue, mais en modifiant la seconde partie de son programme, qui consiste désormais en une sélection de dix Mazurkas du compositeur polonais. Parler de culte ou de vénération à son sujet serait peut-être exagéré, mais ce pianiste un peu énigmatique, qui conserve une part de mystère jusque lors des saluts, durant lesquels aucune émotion particulière ne transparaît, réussit à remplir presque entièrement la Salle Henry Le Bœuf malgré un temps splendide. Nul doute que ce musicien compte de nombreux inconditionnels. Nul doute aussi que le public en a eu pour son argent.


Sur une scène à peine éclairée, le pianiste livre de la sonate une interprétation captivante et d’une force de persuasion rare. Il parvient à en révéler des détails insoupçonnés, ou oubliés à force d’écoutes répétées, grâce, bien sûr, à une technique extraordinaire, au service non de lui-même mais de la partition, et à une sonorité de toute beauté mais aussi à une gestion profondément pensée des tempi. Le flux du discours ralentit à des moments inattendus ou inhabituels, confirmation, au demeurant, qu’il s’agit d’une lecture personnelle, donc discutable, mais par son sens rigoureux de la forme, la conception paraît cohérente et unifiée. Accordant une égale importance à chaque note, équilibrant parfaitement la moindre phrase, puisant dans une palette riche et diversifiée, Sokolov confère un aspect grandiose, presque tellurique, à cette sonate dont il accuse vigoureusement les contrastes, sans pour autant écraser le piano de tout son poids. Une partie non négligeable du public perturbe considérément le climat lourd de signification dans lequel baigne cette interprétation magistrale en applaudissant stupidement après le Largo.


Les dix Mazurkas relèvent du même niveau d’excellence: soin porté aux détails, lisibilité et décantation du propos, rigueur et vigueur de l’articulation. Sokolov examine chacune d’elles sous toutes les coutures pour en restituer toute la profondeur, la quintessence, la singularité. S’il témoigne de temps à autre de fermeté et de tranchant, ce qui apporte de la solidité à son interprétation, la main peut se faire douce et caressante afin de mettre en valeur, avec juste ce qu’il faut de délicatesse, l’inspiration mélodique du compositeur. Le pianiste, qui recueille une colossale ovation, enchaîne les bis, pas moins de sept, et pas des moindres, devant un public incrédule: Schubert (trois des quatre Impromptus D 899 et un des trois Klavierstücke D. 946… qu’il devait jouer en novembre), Chopin (encore une Mazurka) et une Valse en mi mineur d’un certain Alexandre Griboïedov (1795-1829). La troisième partie du récital dure finalement plus longtemps que la première: un phénomène.



Sébastien Foucart

 

 

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