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Magie et couleurs

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
01/23/2001 -  

Marc Antoine Charpentier : Actéon
Henry Purcell : Dido and Aeneas







Sophie Daneman, Stéphanie d'Oustrac, Gaëlle Méchaly, Camilla Johansen (sopranos), Paul Agnew, Cyril Auvity, Laurent Slaars (ténors), Nicolas Rivenq (baryton), Michel Puissant (contre-ténor). Les Arts Florissants, direction William Christie, mise en espace Vincent Boussard, robes Christian Lacroix.


Les effets de la magie et la couleur ont contribué à faire la réussite et l'unité de cette très belle soirée, subtilement construite en diptyque autour de deux œuvres datées l'une et l'autre des années 1680. Mais au-delà de cette simultanéité de leur composition et malgré les divergences des styles musicaux, il y a de nombreuses analogies entre le destin d'Actéon et celui de Didon. Tous deux subissent de plein fouet la loi imposée par les dieux et les effets d'une cruelle magie. Actéon est transformé en cerf et dévoré par ses propres chiens pour avoir entr'aperçu Diane se baignant dans la rivière ; et c'est auprès de cette même rivière, là où Actéon est mort, que Didon se rend peu avant d'apprendre la trahison d'Enée, à qui Jupiter, épaulé par une redoutable troupe de sorcières, enjoint de quitter Carthage et de rejoindre Troie. Cela dit, il faut bien reconnaître que Didon possède une densité et une force dramatique qui ne sont pas tout à fait le fait d'Actéon, dont les héros sont plus convenus, plus stéréotypés et de ce fait nous touchent moins.


La mise en espace de Vincent Boussard rend bien compte des effets de miroir entre les deux œuvres. Elle est très habile, l'ensemble instrumental (une douzaine d'instrumentistes) et les chanteurs (une douzaine eux aussi) se partageant le plateau, autour du clavecin de William Christie. Pour tout décor quelques chaises…et les somptueuses robes de Christian Lacroix qui furent incontestablement un des clous de la soirée : quatre robes de soie, aux couleurs vives, le rouge pour Didon/Diane, le jaune pour Belinda/Junon, un vert très vif et un bleu ourlé de mauve pour les deux autres protagonistes féminines. Des notes de couleur tranchant à vif, superbement, sur le gris anthracite des costumes des hommes et des musiciens. Notes de couleur reprises très habilement dans Didon par un triple emblème symbolique qui passe de main en main, tour à tour diadème ou collier rouge de Didon, libellule verte ou oiseau de mauvais augure, noir. Trois fois rien et une puissance dramaturgique formidable ! Seule petite critique : les chanteurs ne sont pas des danseurs et ne semblent pas toujours parfaitement à l'aise dans les mouvements plus ou moins chorégraphiques qui leur sont demandés.


La mise en œuvre musicale est parfaite. Dans une distribution très homogène et très soudée, on remarque en particulier les très belles prestations de Sophie Daneman, Belinda lumineuse dans sa robe jaune soleil, de Stéphanie d'Oustrac qui campe une Didon poignante, intense, de Paul Agnew qui parvient à donner de l'épaisseur au personnage d'Actéon ; et enfin de Michel Puissant assumant le rôle de la sorcière dans Didon avec un sens de la parodie et du grotesque remarquable : il est grinçant, méchant et machiavélique à souhait. L'ensemble instrumental épouse toutes les inflexions de l'action, passant en un instant de l'élégie tendre à la danse grinçante et les petits ensembles vocaux campent avec autant d'habileté les chasseurs ou les nymphes d'Actéon que les sorcières ou les marins de Didon.


Une soirée exemplaire (donnée au profit de l'association AIDES-Ile-de-France) qui montre que d'énormes moyens ne sont pas forcément requis pour enchanter !



Florence Trocmé

 

 

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