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Lecocq dans la caverne Paris Opéra Comique 05/10/2014 - et 12, 14, 16*, 18, 20, 22 mai 2014 Charles Lecocq : Ali Baba Tassis Christoyannis (Ali Baba), Sophie Marin-Degor/Judith Fa* (Morgiane), Christianne Bélanger (Zobéide), François Rougier (Cassim), Philippe Talbot (Zizi), Mark Van Arsdale (Saladin), Vianney Guyonnet (Kandgiar), Thierry Vu Huu (Maboul, Le Cadi)
Chœur de chambre Accentus, Chœur et Orchestre de l’Opéra de Rouen-Haute Normandie, Jean-Pierre Haeck (direction musicale)
Arnaud Meunier (mise en scène)
(© Pierre Grosbois)
Voici Ali Baba à la sauce Troisième République. Cousin miséreux de l’avare Cassim, propriétaire d’un grand magasin prospère dont il est le locataire endetté, il échappe à l’expulsion grâce à l’argent des voleurs. Une fois riche, la femme de Cassim, Zobéide, se verrait bien l’épouser : ils ont eu, du temps de leur jeunesse, une petite aventure. Mais il lui préférera la charmante esclave Morgiane, qui lui a sauvé la vie. Pour ressusciter Charles Lecocq, l’Opéra-Comique a préféré cet Ali Baba à La Fille de madame Angot ou au Petit Duc, beaucoup plus connus. Pourquoi pas ? Ce petit « opéra-comique », justement, est délicieusement troussé, sur une musique pleine de finesse, témoignant du savoir-faire du compositeur en matière d’instrumentation. Jolis airs, grands ensembles, dans la plus pure tradition du genre, sans les charges à la Offenbach, guère de mise après la chute du Second Empire, sans également le pittoresque orientaliste pourtant si à la mode. Créé avec succès à Bruxelles en 1887, Ali Baba échoue pourtant en 1889 lors de sa première française à l’Eden-Théâtre.
La production est plaisante, mais manque de sel. Dans des décors très kitsch de Damien Caille-Perret, Arnaud Meunier imagine Ali Baba balayeur chez Cassim, victime de la société de consommation. On passe ainsi des escalators de Cassimprix aux hôtesses de l’air bichonnant le nouveau riche. La mise en scène reste au ras de la caverne, avec des transpositions faciles – Zobéide, fort portée sur les jeunes commis de son mari, traitée de « cougar », Ali Baba possédant chéquier et montre Gucci... De l’honnête artisanat, rien de plus, qui pâtit de surcroît des multiples pauses nécessitées par les changements de décor : cela casse complètement le rythme. Il aurait fallu, aussi, soigner davantage les dialogues parlés, souvent inintelligibles.
Le rythme, heureusement, est dans la fosse, grâce à Jean-Pierre Haeck, qui confirme ses qualités de chef de théâtre. Direction pleine de vie et de couleurs, qu’on pourrait seulement trouver un rien sérieuse. Comme d’ailleurs l’Ali Baba de Tassis Christoyannis... mais on a scrupule à émettre une réserve alors qu’il s’agit d’une si belle voix, d’une assimilation aussi exemplaire du chant français surtout ! Il domine une distribution homogène, où se distinguent certains chanteurs de l’Académie de l’Opéra Comique, à commencer par Judith Fa en Morgiane. Une voix encore verte mais fruitée, une tessiture homogène, un phrasé élégant : tout cela devrait se développer et donner un authentique soprano léger. Christianne Bélanger tient son rang en épouse infernale et portée sur la chose, Mark van Arsdale en Saladin, même s’il aura à desserrer son émission. François Rougier campe un parfait Cassim, devenu voleur malgré lui, Philippe Talbot un Zizi très assuré dans une vraie partie d’opéra, malgré un timbre assez nasal. Mais la réussite globale de l’ensemble doit aussi aux chœurs, fort bien préparés par Christophe Grapperon.
Didier van Moere
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