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Une Clémence de Titus à dimension humaine

Nancy
Opéra
04/29/2014 -  et 2, 4, 6, 8 mai 2014
Wolfgang Amadeus Mozart : La clemenza di Tito, K. 621
Bernard Richter (Titus), Sabina Cvilak (Vitellia), Franco Fagioli (Sextus), Bernarda Bobro (Servilia), Yuriy Mynenko (Annius), Miklós Sebestyén (Publius)
Lucile Brossard, Martin Lallement, Olivier Tonon (figurants)
Chœur de l’Opéra national de Lorraine, Orchestre symphonique et lyrique de Nancy, Giulio Zappa (continuo), Kazem Abdullah (direction musicale)
John Fulljames (mise en scène), Conor Murphy (décors, costumes), Bruno Poet (lumières), Finn Ross (vidéo)


F. Fagioli, S. Cvilak (© Opéra national de Lorraine)


Sur les sentiers de l’authenticité, peu se sont aventurés jusque-là. Quand bien même Mozart avait entendu le rôle créé par un castrat soprano, Domenico Bedini, Sextus reste presque toujours – non sans raison d’ailleurs – la chasse gardée des mezzos, et les plus fameux s’y sont d’ailleurs illustrés. Il fallait sans doute le tempérament et la virtuosité exemplaire d’un Franco Fagioli pour oser un tel pari – et le relever avec panache quand bien même le soliste argentin privilégie le monochrome de la faiblesse amoureuse et du remords. C’était en revanche outrepasser les conditions de la création que de confier Annius à un contre-ténor, le compositeur l’ayant entendu travesti. Mais cet enjambement de la réalité historique ne déplaît nullement aux oreilles avec un Yuriy Mynenko d’une remarquable agilité, tandis que l’on entend la maturation évidente de la voix depuis les représentations d’ Artaserse où nombreux l’avaient découvert.


Doué d’une indiscutable présence théâtrale, Bernard Richter fait vivre l’affectivité de Titus jusque dans les recoins de ses ambiguïtés avec un sens des nuances expressives plus modulé que la puissance. Certes imparfaite çà et là, Sabina Cvilak n’en demeure pas moins l’une des incarnations de Vitellia les plus abouties que l’on ait entendues ces dernières années. Entre dépit et manipulation, la complexité du personnage se fait entendre jusque dans des murmures au seuil du parlé. Douée d’un instinct dramatique jusqu’au bout des ongles, la Slovène peut se mesurer – pour en rester aux interprètes de la dernière décennie – à l’inoubliable Catherine Naglestad dans la reprise de la production des Herrmann à Garnier en 2005. Bernarda Bobro a les notes et la fraîcheur de Servilia, mais l’on espère vainement l’innocence qui la rendrait réellement touchante, tandis que Miklós Sebestyén assure un Publius honnête, partie souvent chahutée par des formats trop grossiers. Outre les chœurs, efficacement placés en coulisses et assurant des effets de stéréophonies particulièrement appréciables dans le tumulte de l’incendie du Capitole, l’Orchestre symphonique et lyrique de Nancy se montre à la hauteur de Mozart et Kazem Abdullah témoigne d’une admirable sensibilité au plateau qu’il accompagne avec souplesse et ne couvre jamais, permettant ainsi aux solistes de révéler leurs intentions expressives.


L’autre artisan de la réussite de la soirée, c’est John Fulljames, qui signe une sobre mise en scène coproduite avec Opera North à Leeds. La scénographie anthracite de Conor Murphy inscrit l’intrigue dans une élégante intemporalité animée par les lumières de Bruno Poet, lesquelles donnent leur relief aux évolutions géométriques des éléments de décors réels et vidéographiques, évocation abstraite des lieux qui ne restent jamais prisonnier du concept. De la solennité à l’intime, les cadres évoluent avec fluidité autour des lignes de fuite, autour d’un mouvant foyer où convergent la bonté de Titus et sa soif de vérité et de sincérité dans des rapports humains biaisés par l’exercice du pouvoir. Soutenu par une direction d’acteurs privilégiant la simplicité à l’hiératisme, le spectacle fait descendre La Clémence de Titus de son piédestal impérial, et la dépouille de sa pompe sans dévoyer sa noblesse et sa hauteur de vue. A hauteur d’homme, il faut suivre la lumière de la magnanimité par-delà la grisaille des turpides humaines, décidément trop humaines.



Gilles Charlassier

 

 

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