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Le corset des conventions

Lausanne
Opéra
03/21/2014 -  et 23, 26*, 28, 30 mars 2014
Giuseppe Verdi : Luisa Miller
Lana Kos (Luisa Miller), Luca Salsi (Miller), Giovanni Furlanetto (Il conte Walter), Giuseppe Gipali (Rodolfo), Marie Karall (La duchessa Federica), Daniel Golossov (Wurm), Laura (Céline Mellon), Nicolas Wildi (Un contadino)
Chœur de l’Opéra de Lausanne, Salvo Sgrò (préparation), Orchestre de chambre de Lausanne, Roberto Rizzi Brignoli (direction musicale)
Giancarlo del Monaco (mise en scène), Barbara Staffolani (assistante à la mise en scène), William Orlandi (décors et costumes), Vinicio Cheli (lumières)


(© Marc Vanappelghem)


Luisa Miller a vu le jour en 1849 à Naples. Pour son quatorzième opéra, Verdi tourne résolument le dos à Nabucco et au grand opéra épique des débuts pour se consacrer à un drame intime, librement inspiré de Kabale und Liebe de Schiller. L’œuvre annonce Rigoletto pour le traitement de la relation père-fille, et surtout La Traviata pour la thématique de l’union contraire aux règles sociales alors en vigueur, une union que l’héroïne est contrainte de dissoudre en écrivant, sous la menace, une lettre d’adieu à son amoureux. Mais Luisa Miller ne suscitera jamais l’engouement des opéras de la « trilogie populaire » et reste, aujourd’hui encore, un titre relativement peu programmé. Et pourtant, la partition compte l’une des plus belles ouvertures jamais composées par Verdi, des airs magnifiques, dont le célèbre « Quando le sere al placido », morceau de bravoure pour tout ténor, ainsi que des duos et des trios enflammés, sans parler d’une orchestration riche et luxuriante. L’ouvrage a su séduire de grands interprètes, parmi lesquels Anna Moffo, Renata Scotto, Montserrat Caballé, Katia Ricciarelli, Carlo Bergonzi, Luciano Pavarotti et Placido Domingo, pour ne citer que les plus connus. Il faut donc savoir gré à l’Opéra de Lausanne d’avoir voulu donner une chance à une œuvre injustement délaissée, même si, au final, il n’est pas sûr que la cohorte des admirateurs de Luisa Miller s’en trouvera agrandie, tant le résultat final est plutôt mitigé.


Le spectacle – une coproduction avec l’Australian Opera – offre néanmoins son lot de belles surprises. A commencer par un Orchestre de chambre de Lausanne en grande forme, qui, sous la baguette électrisante de Roberto Rizzi Brignoli, devient un acteur du drame. Pour ce qui est de la distribution vocale, il convient de citer avant tout les deux méchants de service, Giovanni Furlanetto en comte Walter et Daniel Golossov en Wurm, qui, non contents d’incarner superbement des personnages indignes et retors à souhait, ne laissent rien non plus à désirer en termes de technique et d’élégance vocales, avec notamment un très beau « legato ». Remplaçant au pied levé la chanteuse initialement prévue pour le rôle-titre, la très jeune Lana Kos (elle a à peine 30 ans) campe une Luisa innocente et fragile, touchante dans sa naïveté, et particulièrement émouvante dans la scène finale, avec une belle voix ample et saine, parfaitement conduite, qui fait oublier les quelques stridences de ses premières notes. Assurément, cette soprano est en passe d’entamer une jolie carrière. Le Rodolfo de Giuseppe Gipali laisse, quant à lui, perplexe. Si on admire le chant élégant et stylé du ténor, son manque de projection et son émission serrée, au timbre quelque peu ingrat, ne lui permettent pas véritablement de rendre son incarnation crédible. La duchesse Federica de Marie Karall est, elle aussi, peu convaincante tant vocalement que scéniquement, ne réussissant jamais à donner chair à la « furie » que suggèrent ses premières paroles. Miller, pourtant l’un des plus beaux personnages de père de tout le répertoire lyrique, est ici interprété de façon beaucoup trop unidimensionnelle par Luca Salsi, qui chante constamment fort, sans finesse ni nuances, et qui ne sait que brandir sa cane pour montrer son autorité ou son dépit.


Avant même que résonnent les premières notes de l’Ouverture, on voit sur scène des statues et une cheminée en marbre blanc, représentant un intérieur bourgeois. Curieusement, sur la cheminée trône un buste qui pourrait être celui de Verdi. Tout paraît immobile, glacé. On ne saurait mieux traduire le corset d’une société figée dans ses conventions. Puis, par un impressionnant mouvement de rotation, les statues et la cheminée s’élèvent lentement à la verticale pour se renverser une fois arrivées aux cintres, façon saisissante et astucieuse de dire que l’ordre de la société va se retrouver complètement bouleversé. Mais après ces idées originales, c’est le vide. Le spectacle conçu par Giancarlo del Monaco, qui commence par la procession funèbre suivant le décès de Luisa, manque d’inspiration. Dans des décors sombres et sobres rappelant sans cesse la mort, le metteur en scène ordonne une simple mise en place, mais il faut lui reconnaître un grand professionnalisme, tout étant parfaitement réglé. Il n’empêche, Luisa Miller aurait mérité mieux.



Claudio Poloni

 

 

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