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Un Trouvère slave et lunaire Limoges
Opéra-théâtre
03/09/2014 - et 11* mars 2014
Giuseppe Verdi : Il trovatore
Murat Karahan (Manrico), Mayram Sokolova (Azucena), Olga Bezsmertna (Leonora), Elchin Azizov (Le comte de Luna), Andreas Bauer (Ferrando), Eve Christophe-Fontana (Inès), François Rougier (Ruiz), Jean-Noël Cabrol (Un messager), Edouard Portal (Un vieux gitan), Jonathan Bailleux, Arnaud Baldaquin, Adrien Mornet (danseurs)
Chœur de l’Opéra-Théâtre de Limoges, Jacques Maresch (chef de chœur), Orchestre de Limoges et du Limousin, Konstantin Chudovsky (direction musicale)
Gilbert Deflo (mise en scène), William Orlandi (décors et costumes), Joël Hourbeigt (lumières), Laurence Fanon (chorégraphie)
Venue de Barcelone où elle a été étrennée en 2009, la production du Trouvère due à Gilbert Deflo est passée par Toulouse et Oviedo avant de remonter vers le nord et la maison limougeaude. La scénographie de William Orlandi se distingue par son extrême économie. Au fond d’un plateau presque nu de boiserie claire s’étalent des rideaux de toile à l’enseigne de la lune, emblème de ce drame nocturne. Le bleu de l’univers du comte s’oppose au rouge des gitans jusque dans les casques de soldats caricaturés façon playmobil, soulignant ainsi la fruste simplicité chevaleresque de la pièce de García Guttiérez. La poésie des couleurs et des éclairages se révèle efficace et dispense de décors encombrants pour caractériser les lieux de l’intrigue, faisant reposer les situations sur les épaules des interprètes.
Ouvrage exigeant de solides formats vocaux, Le Trouvère est ici confié à une distribution presqu’exclusivement slave – du moins pour ce qui concerne les rôles principaux. Elle est dominée par Elchin Azizov, baryton dans la pure tradition russe venu du Bolchoï, qui se distingue par l’assurance d’un médium et d’un grave nourris. Cela donne à son comte de Luna une carrure et une animalité qui penchent vers les sentiments primaires du personnage. Sa jalousie et sa vengeance répondent aux stéréotypes voulus par l’intrigue, et l’ensemble dégage une indiscutable présence. Manrico jeune encor, Murat Karahan fait pardonner une aisance théâtrale en devenir par un timbre corsé et prometteur, couronné par des aigus vaillants à défaut d’être infaillibles; il aura le temps de parfaire son incarnation à la fin du printemps à l’opéra de Riga. Leonora à la voix charnue, Olga Bezsmertna satisfait aux exigences de sa partie et patinera sans doute son interprétation au fil du temps. Quant à Mayram Sokolova, son Azucena privilégie une couleur sombre et homogène qui favorise une expression plus mate qu’éclatante de sa soif de vengeance.
Les emplois secondaires ne déméritent pas, à l’instar d’Andreas Bauer qui se distingue dans le récit de Ferrando. Eve Christophe-Fontana esquisse une Inès proportionnée à Leonora, tandis que la timidité efface un peu le Ruiz de François Rougier. Signalons Jean-Noël Cabrol et Edouard Portal, respectivement un messager et un vieux gitan, qui complètent le tableau, ainsi que le chœur de la maison, préparé par Jacques Maresch, et dont on reconnaît les bénéfices d’un travail linguistique. A l’Orchestre de Limoges et du Limousin, Konstantin Chudovsky insuffle une vitalité théâtrale qui témoigne de sa collaboration avec l’Helikon Opera de Moscou, compagnie lyrique qui ne pâtit pas de la modestie de ses moyens – surtout comparés à ceux du plus consensuel Bolchoï – et dont les productions tournent régulièrement en Europe.
Gilles Charlassier
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