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Honneur bafoué

Paris
Palais Garnier
02/28/2014 -  et 4, 8, 10, 11, 16, 23, 24, 25, 26, 28* février, 4, 5 mars 2014
John Cranko : Onéguine
Hervé Moreau, Isabelle Ciaravola, Mathias Heymann, Karl Paquette (danseurs étoiles), Premiers Danseurs, Corps de ballet du Ballet de l’Opéra national de Paris
Orchestre de l’Opéra national de Paris, James Tuggle (direction)
Jürgen Rose (décors et costumes), Sten Bjarke (lumières)


H. Moreau, I. Ciaravola (© Julien Benhamou/Opéra national de Paris)


Décidemment, cette chorégraphie de John Cranko (1965), depuis son entrée au répertoire du Ballet de l’Opéra de Paris (voir la reprise de 2011), aura connu beaucoup de soirées de célébration! Le choix de ce ballet avait été suggéré en 2009 par le danseur étoile Manuel Legris qui, partant à la retraite et allant présider aux destinées du Ballet de l’Opéra de Vienne, avait souhaité danser Onéguine tout à fait dans la lignée des rôles nobles où il excellait pour terminer sa carrière de danseur et faire ses adieux au Ballet et au Palais Garnier. Au soir de la première le directeur de l’Opéra, à l’époque Gérard Mortier, dont c’était une des dernières premières, et la directrice de la danse, Brigitte Lefèvre, étaient venus annoncer, fait exceptionnel, un même soir, la nomination de deux nouvelles étoiles, celles même qui n’avaient cessé de briller tout la soirée, des deux premiers danseurs Isabelle Ciaravola et Mathias Heymann et c’est dans les rires, les larmes et les acclamations qu’avait commencé la seconde vie de la chorégraphie de John Cranko.


L’antépénultième représentation de cette reprise a vu une autre célébration dans cette ligne. Le départ à la retraite d’Isabelle Ciavarola aura été marqué par une standing ovation de trente minutes, sous une pluie d’étoiles dorées tombant des cintres et une avalanche de bouquets de roses blanches. A la suite de quoi, cette danseuse dont la carrière d’étoile, en raison d’une nomination tardive aura été extrêmement courte, s’est fait remettre dans le Grand Foyer les insignes de chevalier de la Légion d’honneur par Brigitte Lefèvre. En cinq ans, cette très belle danseuse d’origine corse dont tous s’accordent à louer des jambes exceptionnelles, aura aussi marqué les rôles de Manon, de la Dame aux Camélias et de Garance dans Les Enfants du Paradis de José Martinez.


Assez rarement dansées en France, les chorégraphies de John Cranko (1927-1973), qui a porté à un niveau international le Ballet de Stuttgart, ont semblé un moment connaître un regain de faveur. Le Ballet du Capitole de Toulouse a monté avec succès en 2005 sa Mégère apprivoisée. Curieusement c’est la musique qui est le point faible de ce spectacle d’après Eugène Onéguine de Pouchkine immortalisé par l’opéra de Tchaïkovski. Pour illustrer sa chorégraphie, Cranko a choisi Tchaïkovski, pas ce qu’il a écrit de meilleur car, hormis des extraits de l’ouverture Francesca da Rimini pour la dramatique dernière rencontre de Tatiana et Eugène, le matériel n’est pas de premier choix, composé principalement d’orchestrations de pièces pour piano par Kurt-Heinz Stolze. Pour cette reprise, c’était l’orchestre maison qui était dans la fosse, fort bien mené par James Tuggle. De facture néoclassique, le ballet comporte de nombreuses scènes de genre charmantes et très bien réglées, les deux bals et un bon nombre de pas de deux aux portés complexes, qui en font une bonne soirée malgré le découpage en trois actes vraiment plus du tout adapté au rythme des spectateurs d’aujourd’hui. Reid Anderson, Tamas Detrich et Jane Bourne du Ballet de Stuttgart ont remonté la chorégraphie et la production signée Jürgen Rose, originaire du Bayerische Staatsoper de Munich, un dispositif de rideaux à l’italienne ayant un charme désuet.


Depuis 2009 Isabelle Ciaravola a mûri sa Tatiana qui paraissait un peu trop uniformément dramatique, semblant blessée par le sortilège d’Onéguine trop tôt au début de l’histoire. Toujours superbe techniquement, elle brille dans les grandes difficultés des pas de deux et surtout des redoutables portés inventés par Cranko dans ses affrontements avec Onéguine. Et sa scène finale était tout à fait bouleversante. Incarné par Hervé Moreau, Onéguine ne manquait pas d’excellence technique mais ne parvient pas à faire évoluer son personnage dans le court temps – à peine 85 minutes de danse – imparti. Monolithique et froid, son jeu bloque l’émotion qui doit se dégager aussi de ce rôle cynique mais vibrant. Charline Giesendanner et Mathias Heymann étaient parfaits de fraîcheur dans les rôles plus bondissants de Lenski et Olga et Karl Paquette donnait une belle stature à la silhouette du Prince Grémine. L’ensemble du Ballet dégageait une énergie incroyable dans toutes les scènes de genre et de bal. Une soirée que l’on n’oubliera pas de sitôt pour sa qualité et sa fin émouvante dans la chaleur d’applaudissements sans fin.



Olivier Brunel

 

 

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