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Folie des grandeurs Nancy
Opéra national de Lorraine
02/20/2014 - et 21*, 23, 25, 27 février 2014
Jacques Offenbach: Barbe-Bleue
Avi Klemberg (Barbe-Bleue), Anaïk Morel (Boulotte), Antoine Normand (Le roi Bobèche), Lionel Lhote (Popolani), Julien Véronèse (Le comte Oscar), Pascal Charbonneau (Le prince Saphir), Sophie Angebault (La reine Clémentine), Norma Nahoun (La princesse Hermia), Elena Le Fur (Héloïse), Patricia Garnier (Rosalinde), Julie Stancer (Isaure), Soon Cheon Yu (Blanche), Inna Jeskova (Eléanore), Benjamin Colin (Alvarez), Jean-Marc Bihour (narrateur)
Chœur de l’Opéra national de Lorraine, Orchestre symphonique et lyrique de Nancy, Jonathan Schiffman (direction)
Waut Koeken (mise en scène), Yannik Larivée (décors, costumes), Glen D’haenens (lumières), Joshua Monten (chorégraphie), Anouar Brissel (vidéo)
(© Opéra national de Lorraine)
Postérieur à La Belle Hélène et contemporain de La Vie parisienne, Barbe-Bleue (1866) mériterait d’être représenté plus souvent. L’Opéra national de Lorraine a donc eu une excellente idée en programmant cette production créée à Maastricht en 2012 et reprise conjointement avec Angers Nantes Opéra et l’Opéra de Rennes. Waut Koeken exploite astucieusement le potentiel scénique et la fibre comique du livret de Meilhac et Halévy. Pour actualiser cet opéra bouffe, fidèle en cela à l’esprit de la musique d’Offenbach, qui n’hésitait pas à se moquer des élites de son temps, il a réécrit les dialogues en y incluant des références à des événements récents, des citations et des jeux de mots plus ou moins faciles mais généralement assez drôles. Les échanges entre les personnages ne manquent pas de verve, les interventions du narrateur de malice.
Le metteur en scène belge règle une direction d’acteur inventive et déjantée. Lors des dialogues parlés, la plupart des chanteurs ne se départent pas d’une intonation artificielle mais peu importe, ce spectacle relevé et maîtrisé tient ses promesses plus de deux heures durant. Les décors bien pensés et les costumes multicolores de Yannik Larivée confèrent de la fantaisie à une scénographie qui joue sur les échelles : les péripéties se déroulent tantôt sur un lit conjugal géant, tantôt sur un divan gigantesque, tantôt sur une table de cuisine plus grande que nature, tantôt sur une table de repas de noces démesurée, tandis qu’un immense lave-linge dissimule les malheureuses épouses de Barbe-Bleue. La chorégraphie de Joshua Monten apporte quant à elle du tonus et de l’agrément à ce spectacle conçu par un jeune metteur en scène au-dessus du lot. Waut Koeken : un nom à retenir.
Un tel ouvrage ne permet guère à la distribution de briller mais le bilan vocal s’avère tout de même satisfaisant, même si le théâtre tend à supplanter le chant. Portant une barbe postiche de couleur... bleue, Avi Klemberg, comédien adroit, incarne un Barbe-Bleue trop jeune et plus séducteur que féroce. Un ténor plus chenu et possédant un physique plus inhabituel aurait rendu le rôle-titre davantage mémorable ; le chanteur fait néanmoins valoir un timbre de qualité, maîtrise le registre aigu mais la puissance laisse parfois à désirer. Mezzo-soprano typée, Anaïk Morel compose une excellente Boulotte, aguicheuse et pataude à la fois. Norma Nahoun, qui évolue habilement en princesse Hermia, déploie un timbre moelleux et fleuri fort plaisant. La voix de Pascal Charbonneau, distribué dans le rôle du prince Saphir, s’avère somme toute assez mince mais le ténor surveille la ligne de chant.
Antoine Normand joue un roi Bobèche fainéant et grotesque mais le comédien marque davantage les esprits que le chanteur. Lionel Lhote n’a plus rien à prouver dans ce répertoire dans lequel il excelle : dans le rôle de Popolani, savant fou à la chevelure hirsute, le baryton concilie idéalement chant et théâtre. Julien Véronèse et, dans une moindre mesure, Sophie Angebault parviennent à se distinguer positivement dans les rôles du comte Oscar et de la reine Clémentine. Quant à Jean-Marc Bihour, olibrius jubilatoire à la voix haut perchée, il commente l’histoire avec humour en surgissant d’un peu partout, même d’un téléviseur ou d’un four à micro-ondes. Mené par Jonathan Schiffman, l’Orchestre symphonique et lyrique de Nancy adopte d’emblée le ton et le rythme particuliers de cette musique mais plus de cohésion, de finesse et d’alacrité n’auraient pas été de trop. Les choristes assurent de leur côté une prestation théâtralement engagée et vocalement assurée.
Sébastien Foucart
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