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Le cri du concerto Strasbourg Palais de la Musique et des Congrès 01/31/2014 - Joseph Haydn : Concerto pour violon et orchestre en ut majeur, Hob VIIa.1
Karl Amadeus Hartmann : Concerto funebre
Robert Schumann : Symphonie n° 3 en mi bémol majeur, opus 97, «Rheinische» Orchestre philharmonique de Strasbourg, Thomas Zehetmair (violon et direction)
T. Zehetmair
Le Concerto funèbre de Hartmann est à connaître absolument. Pourtant, si Thomas Zehetmair ne dépensait pas tant d’énergie à le défendre aussi souvent que possible, au concert et au disque, gageons que ce chef-d’œuvre passerait encore davantage inaperçu. Commencé en juillet 1939 et créé dès 1940, mais à Saint-Gall, en Suisse neutre, ce concerto pour violon de proportions relativement brèves est un cri douloureux dont l’intériorité rend les résonances encore plus prégnantes. Une réaction d’impuissance face au crépuscule d’une Allemagne intellectuelle réduite brutalement au silence, et aussi pour Hartmann le début d’une longue période d’«exil intérieur», ou plutôt, en l’occurrence, de silence forcé (le compositeur ne quittera plus son lieu de résidence pendant toute la Seconde Guerre mondiale, renonçant à toute apparition publique et à toute création des œuvres qu’il continuait à composer dans son appartement). Il faut sans doute plusieurs auditions pour mieux appréhender cette écriture certes tonale mais qui s’adonne volontiers à des crispations rageuses. Ce qui nous touche cependant le plus à chaque écoute de ce concerto est l’étonnante puissance qui finit par s'y dégager d’un tableau de proportions au demeurant restreintes. Les dimensions d’un orchestre de chambre mais un message fort, au demeurant bien perçu par un public dans l’ensemble attentif.
Interpréter de surcroît ce concerto sans chef (Zehetmair est un bon donneur d’impulsions, mais le jeu instrumental de la partie soliste l’accapare souvent) constitue pour l’Orchestre philharmonique de Strasbourg un défi substantiel, relevé grâce à une extrême attention de chacun et à quelques bonnes initiatives des chefs de pupitre (premier violon et premier violoncelle notamment). Il ne s’agit pas d’une exécution parfaite mais l’impact de l’œuvre est parfaitement respecté. Quant à Thomas Zehetmair, l’aplomb technique et l’expressivité avec lesquelles il parcourt la partie soliste suscitent toujours autant l’admiration. On apprécie aussi la liberté et la fraîcheur du Concerto pour violon de Haydn interprété juste auparavant, beau moment d’orchestre classique, d’une aération et d’un équilibre qui ne sont pas toujours faciles à obtenir en concert et qui paraissent finalement s’épanouir au mieux sans chef trop autoritaire.
Seconde partie plus classiquement symphonique avec la Troisième Symphonie «Rhénane» de Schumann. Evitons d’entrer une fois de plus dans le vieux débat de l’orchestration schumannienne (techniquement défectueuse ou simplement mal comprise? ) mais avouons qu’ici la tâche paraît difficile. Les cordes déploient devant la petite harmonie un écran opaque, parfois encore alourdi par les cuivres, les appuis sont difficiles à trouver, le discours donne vite l’impression de patauger... une certaine perplexité reste de mise. Et c’est évidemment dans ce type de concert d’abonnement, monté en peu de répétitions, que ces difficultés apparaissent de la façon la plus gênante. On comprend bien l’agacement d’un Mahler, voire d’un Michael Gielen aujourd’hui, devant ce genre de méli-mélo à clarifier. Thomas Zehetmair tente d’obtenir ce qu’il peut, avec une battue plus suggestive que vraiment technique, mais l’écriture symphonique peine à se dégager d’une gangue tenace, en dépit de la compétence d’un orchestre en bonne forme ce soir là.
Laurent Barthel
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