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Sellars et les inspirations wagnériennes

Madrid
Teatro Real
01/12/2014 -  et 16, 19, 23, 27, 31* janvier, 4, 8 février 2014
Richard Wagner: Tristan und Isolde

Robert Dean Smith/Stefan Vinke* (Tristan), Violeta Urmana (Isolde), Ekaterina Gubanova (Brangäne), Franz-Josef Selig (Le Roi Marke), Jukka Rasilainen (Kurwenal), Nabil Suliman (Melot)
Coro titular del Teatro Real (Coro Intermezzo), Andrés Máspero (chef de chœur), Orquesta titular del Teatro Real (Orquesta sinfónica de Madrid), Marc Piollet (direction musicale)
Peter Sellars (mise en scène), Bill Viola (vidéo), Martin Pakledinaz (costumes), James F. Ingalls (éclairages)


(© Javier del Real)


Il vaut parfois mieux laisser passer quelques jours après la première: les comédiens, les chanteurs sont plus familiarisés avec tous les éléments, la scène, les rapports, la fosse. Mais... il y a aussi le cas d’une maladie qui substitue à un divo très consistant une voix responsable, celle de Stefan Vinke, souvent au niveau de la tâche... mais pas toujours acceptable. C’était le cas de Robert Dean Smith pendant ces jours trop froids: il a été remplacé, et pas dans n’importe quel rôle: celui de Tristan.


Au demeurant, Violeta Urmana n’est pas une Isolde qui frôle l’idéal. On dirait que sa voix puissante est plus dramatique que nécessaire. Mais elle a un niveau incontestable, une voix tranchante, malgré son manque de douceur. On l’a vu, on l’a entendu dans des rôles plus adéquats pour elle, soprano supérieur de nos jours. En Brangäne, Ekaterina Gubanová a constitué la surprise de la distribution: une voix claire malgré ce rôle de mezzo, parfois perçante (elle a chanté Fricka, Amneris, Clytemnestre de la première Iphigénie de Gluck...), jeune et belle d’un aussi bel avenir. Et aussi Franz-Josef Selig, un roi Marke émouvant, d’une belle obscurité de ligne, pas trop raffiné quand même. Jukka Rasilainen en Kurwenal et Nabil Suliman en Melot complètent très honorablement une belle distribution. A la direction, Marc Piollet a accompli un grand travail dont les résultats d’orchestre n’ont cependant pas été à la hauteur du titre. On a trop en mémoire l’orchestre-personnage, l’orchestre infini de Tristan, pour ne pas faire de comparaisons.


Mais l’attente opératique en ce mois de janvier à Madrid, avec des «pèlerins» de toute l’Europe et l’Amérique, était celle de deux mises en scènes: Tristan par Peter Sellars, un cerveau théâtral unique, et Brokeback Mountain, première mondiale d’un opéra de Charles Wuorinen dont il sera très prochainement rendu compte dans nos colonnes.


On ne verra pas très souvent une mise en scène aussi dépouillée de Tristan, aussi pure, et en même temps aussi intense que celle-ci dans sa direction d’acteurs. Sellars travaille avec une vidéo de Bill Viola, toute une création parfois, un beau décor à certains moments, tandis qu’à d’autres, sa présence est excessive, superflue et fâcheuse. La vidéo de Viola a quelques années déjà, tout comme la mise en scène de Sellars (voir ici et ici). On ne découvrira pas maintenant ses qualités ou ses trouvailles, voire illuminations ou manques de sens à côte des inspirations légitimes. Sellars, paraît-il, a travaillé avec la vidéo après la réalisation du film par Viola, pas avant, et non pas en même temps. Soumis à Viola? Inspiré par Viola? Inspirés tous les deux par Wagner, certainement. Mais il est difficile d’imaginer Sellars soumis à qui que ce soit. Et il est très pertinent de l’imaginer inspiré par tout ce qui bouge, respire, suggère... Il attendait les images de Viola, et a travaillé d’après elles: le résultat est la beauté par l’intermédiaire des images qui creusent dans les sens de cet opéra insurpassable.


Les beautés parfois statiques, parfois hiératiques, choquent avec les couleurs de la vidéo (jamais excessive, jamais au delà du «texte») et donnent une synthèse clairement supérieure. De la beauté... après toute chose, les composantes, les voix, la fosse. L’amour est bien plus fort que tout, et on a ici affaire avec l’histoire d’amour par excellence, avec une des musiques les plus intenses de l’histoire. Intenses... pas «érotiques», il faut fuir ce lieu commun. Comme Sellars et cette beauté laconique, retenue: son Tristan. Le succès n’a pas été formidable, et quelques commentaires restaient, côté théâtre, à la surface, hélas!



Santiago Martín Bermúdez

 

 

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