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Sur les pas de Cocteau

Saint-Etienne
Grand Théâtre Massenet
01/18/2014 -  et 19 janvier 2014
Philip Glass/Jean Cocteau: La Belle et la Bête

Gregory Purnhagen (La Bête, L’Officier du port, Avenant, Ardent), Hai-Ting Chinn (La Belle), Marie Mascari (Félicie, Adélaïde), Peter Stewart (Le Père, Ludovic)
Philip Glass Ensemble: Lisa Bielawa, David Crowell, Stephen Erb, Jon Gibson, Michael Riesman, Mick Rossi, Andrew Sterman – Ted Baker, Nelson Padgett (musiciens invités), Michael Riesman*/Lisa Bielawa (direction musicale)


(© Charly Jurine)


Jamais abattue par ses contraintes géographiques et historiques, Saint-Etienne réussit avec éclat depuis deux décennies à s’affranchir de l’ombrage lyonnais, grâce en particulier à la biennale Massenet. La raison festivalière étant souvent de bon conseil, la maison stéphanoise vient de créer avec le musée d’art moderne de la ville une manifestation bisannuelle mêlant les arts défendus par chacune des deux institutions. «Nouveau Siècle», résolument ancré dans l’après-Seconde Guerre mondiale, constitue ainsi un pendant à Massenet et le tournant des XIXe et XXe siècles. Ce «New York moment», colonne vertébrale de cette première édition, ne pouvait faire l’impasse sur l’un des apôtres de la musique répétitive, Philip Glass, et c’est un objet lyrique non identifié que nous fait (re)découvrir l’Opéra de Saint-Etienne, au début d’une décade riche de concerts et propositions disséminés dans les haut lieux culturels de la métropole.


«Sonoriser un film muet, tout le monde l’a fait, mais mettre en musique un film parlant, c’est une idée vraiment étonnante, non?»: ainsi s’exprimait le compositeur américain dans une interview publiée par Les Inrocks au moment de sa création sur le film La Belle et la Bête de Cocteau. La fascination de Glass pour la culture française ne fait pas de mystère – il est venu à Paris au début des années 1960 étudier avec Nadia Boulanger – et cet ouvrage s’inscrit dans une trilogie inspirée par Cocteau, après Orphée et avant Les Enfants terribles – opus qui a tourné en France il y a deux saisons. Sans doute fallait-il un tel enthousiasme pour oser un tel pari formel, d’autant que le film de Cocteau est doué d’une remarquable aura – et substituer une partition minimaliste à celle d’Auric tenait de la gageure.


Comme toujours chez Glass, les cellules thématiques récurrentes structurent le discours musical, d’autant plus que le fonds se trouve particulièrement resserré, manière de restituer la fascination obsédante de la Bête et de sa laideur. Le procédé confine cependant à la servilité, d’autant que si le texte chanté s’attache à la synchronie avec les mouvements labiaux des protagonistes – nonobstant une doublure qui ne peut faire illusion longtemps en raison des divergences d’avec le débit parlé – la psalmodie à laquelle se limite la technique vocale finit par s’abîmer dans un commentaire passablement redondant. Sans compter que l’estimable travail de diction dont témoignent les interprètes ne saurait dissimuler leurs efforts et des intonations qui n’ont pas su traverser l’Atlantique – ce qui ne serait pas un handicap pour la programmation du festival si le texte de Cocteau pouvait s’en accommoder.


Tout au moins peut-on applaudir des caractérisations. Hai-Ting Chinn distille une fraîcheur acidulée qui s’accorde assez bien avec l’expression naïve du visage de Josette Day. Gregory Purnhagen compose une Bête touchante, à la limite de la mièvrerie, tandis qu’il se révèle d’une plus grande franchise en doublant Avenant et Ardent. Marie Mascari restitue assez bien la jalousie des sœurs tandis que Peter Stewart fait résonner un baryton à l’aplomb certain. D’une précision sans égal dans un répertoire pour lequel il est taillé sur mesure, le Philip Glass Ensemble parvient à ne pas se faire dévorer par l’écran au-dessus. Mais le cinématographe presque photographique de Cocteau finit aisément par avoir raison d’une partition qui ne dépasse pas l’accompagnement musical.



Gilles Charlassier

 

 

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