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Mésentente franco-germanique

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
01/16/2014 -  
Richard Wagner : Die Meistersinger von Nürnberg: Prélude de l’acte III
Richard Strauss : Tod und Verklärung, opus 24
Anton Bruckner : Symphonie n° 4 en mi bémol, «Romantique» (édition Nowak)

Orchestre national de France, Daniele Gatti (direction)


D. Gatti


Adepte du grand répertoire allemand (on se souvient des intégrales données des Symphonies de Mahler, Brahms et Beethoven depuis son arrivée à la tête du National), Daniele Gatti avait choisi, pour le concert de ce soir, un triptyque assez classique qui n’est pas si fréquemment joué par nos phalanges. Et, force est de constater que cela s’est entendu car, même si l’on a eu droit à quelques beaux moments au cours de la soirée, l’impression finale reste plus que mitigée.


Tout avait pourtant plutôt bien commencé avec le Prélude du troisième acte des Maîtres chanteurs de Nuremberg (1868) de Richard Wagner (1813-1883), beaucoup plus rarement donné que celui du premier. Les cordes du National allient assez idéalement puissance et finesse, et les timbres offerts par l’orchestre, du meilleur effet, laissent augurer une assez belle réussite dans les deux œuvres à venir.


Et pourtant, la déception domine très largement après que les premières notes du superbe Mort et Transfiguration de Richard Strauss (1864-1949) n’emplissent le Théâtre des Champs-Elysées. L’enchaînement entre les deux œuvres était fort logique puisque, après avoir été à Bayreuth au cours de l’été 1888 – il entendit à cette occasion Les Maîtres chanteurs sous la direction de Hans Richter et Parsifal sous la baguette de Felix Mottl –, Strauss se lança dans la composition de plusieurs poèmes symphoniques dont la première eut lieu en 1889 (Don Juan) et 1890 (Macbeth, Mort et Transfiguration, ce dernier ayant même été créé au cours du concert où fut donnée la première du Burlesque pour piano et orchestre) et dont les couleurs wagnériennes sont évidentes. Ce qui surprend dans l’interprétation de ce soir, ce sont tout d’abord des anicroches auxquelles les bois du National ne nous ont guère habitués. Ensuite, et on le regrette d’autant plus que ça n’est pas toujours le cas, Gatti aborde la partition avec trop de lourdeur, gommant ainsi par la force des choses toutes ces fulgurances, ces élans, ces emportements de l’être qui éprouve ses derniers soubresauts avant la mort apaisée qui conclut de la façon la plus poignante. On a parfois l’impression de lourds pieux plantés dans de la glaise alors que Mort et Transfiguration doit, à notre sens, être jouée d’un seul tenant: or, en l’espèce, on n’aura guère perçu cette immense arche musicale qui, en fin de compte, s’avère trop contemplative et ne suscite guère d’émotion.


La seconde partie était consacrée à la page la plus populaire d’Anton Bruckner (1824-1896), à savoir sa Quatrième Symphonie (1874-1881) dite «Romantique». Même s’il lui est bien évidemment arrivé de diriger Bruckner (qu’il s’agisse de la Deuxième ou de la Troisième en novembre 2008, ou même de la Quatrième quelques mois plus tôt), l’Orchestre national de France semble avoir assez peu d’affinités avec cette musique qui demande davantage de puissance et de rondeur que nous n’en avons entendues ce soir. Bien que le pupitre de cors, emmené avec maestria par Hervé Joulain, ait été à la hauteur des défis de sa partie, l’orchestre aura en revanche souffert d’un pupitre de trompettes dont la netteté des attaques demande toujours à être améliorée et de bois parfois en difficulté. Tout en semblant vouloir (à juste titre) se débarrasser du programme qu’est censé illustrer cette symphonie, Gatti dirige l’ensemble avec une réussite trop aléatoire. Trop peu de mystère dans le début du premier mouvement et trop peu de grandiose à la fin, un deuxième mouvement (Andante quasi allegro) certes plutôt réussi, un troisième mouvement trop en retenue (notamment dans les cavalcades des cors et des cuivres alors que tout cela ne demande qu’à exploser) et un mouvement conclusif là aussi assez bien mené, même si l’on aurait souhaité coda conclusive plus solennelle. La fréquentation des œuvres de ce type demande certainement à être moins rare si le National souhaite y donner sa pleine mesure: Gatti, qui connaît ce répertoire, peut y aider mais la route sera peut-être encore assez longue.



Sébastien Gauthier

 

 

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