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Récitals, programmation et programmes Paris Amphithéâtre Bastille 01/11/2014 - et 19 décembre 2013 (Toronto) Hugo Wolf : Abendlieder
Benjamin Britten : Songs and Proverbs of William Blake, opus 74
Francis Poulenc : La Fraîcheur et le Feu
Erik Ross : Waypoints (création française)
Erich Wolfgang Korngold : Einfache Lieder, opus 9: «Liebesbriefchen» & «Ständchen»
Phillip Addis (baryton), Emily Hamper (piano)
P. Addis (© Kristin Hoebermann)
En préambule il faut se réjouir que la programmation des «Convergences» de l’Opéra de Paris offre très régulièrement les récitals de lieder, mélodies, Songs, que nous refusent désormais les autres scènes de la capitale. En cela l’état des lieux n’est pas fameux, car hormis quelques soirées de la série «Les Grandes Voix», les récitals de chant proposés par Pleyel, Gaveau ou le Théâtre des Champs-Elysées sont désormais, à quelques exceptions près, ceux proposés par les grandes stars de la scène lyrique, dominés par la famille des contre-ténors, pas toujours préparés à cet exercice et préférant souvent programmer des airs d’opéras plus vendeurs que le répertoire plus intimiste de la musique vocale. Et ce n’est probablement pas l’affiche de la première série des récitals du lundi au Théâtre du Palais-Royal, avec une majorité de chanteurs vétérans, qui va changer la donne.
«Convergences», série dirigée par Christophe Ghristi, directeur de la dramaturgie de l’Opéra national de Paris, offre dans le cadre suffisamment intime de l’Amphithéâtre de l’Opéra Bastille, parmi récitals de piano, concerts chambristes et soirées thématiques en rapport avec la programmation lyrique du théâtre, la perle rare qu’est le récital de chant avec les grands cycles du répertoire, ou encore, plus recherché, le récital dont la programmation savamment étudiée garantira à l’auditeur au moins la satisfaction d’entendre, souvent de découvrir, des œuvres rarement jouées. C’était le cas de ce récital du baryton canadien Phillip Addis, déjà connu du public parisien pour avoir chanté le rôle de Pelléas salle Favart en 2010 (et être programmé à nouveau cette saison en février). De la Vienne de Wolf et Korngold au répertoire français avec Poulenc et anglais avec Britten et la création d’une œuvre du compositeur canadien Erik Ross, Phillip Addis offrait un parcours tout à fait cohérent en rapport avec son propre répertoire et une certaine actualité ou plutôt tendance du moment.
Avec des airs d’étudiant sage sortant de Cambridge, il possède une indéniable expérience du récital. Cependant sa tenue constamment adossé au piano et un certain manque d’expressivité du visage ternissent un peu, à la longue, cette grande heure et demie d’un récital que l’on aurait préféré plus mobile, plus vivant. Vocalement aussi une certaine monotonie guette avec une émission trop monocorde, constamment appuyée en voix de poitrine. Sa diction est bonne dans les trois langues chantées mais perd un peu de sa clarté dans les mouvements rapides. C’est certainement la partie anglaise du programme qui était la mieux réussie. Le sombre cycle Songs and Proverbs de Benjamin Britten, composé en 1965 pour Dietrich Fischer-Dieskau (à la suite du War Requiem) avec l’aide de Peter Pears pour le découpage et l’agencement des textes, avec son chromatisme troublant, manquait cependant du grand savoir faire qui aurait consisté à y introduire plus de voix mixte pour le rendre plus ambigu. La partie de piano extrêmement difficile était parfaitement réalisée par sa compatriote Emily Hamper, très efficace accompagnatrice de tout ce concert.
Il est rare aussi de bénéficier au cours d’un récital d’une création comme ce fut le cas avec celle de Waypoints («Points de repère») commande des deux protagonistes pour leur tournée de récitals au compositeur canadien Erik Ross (né en 1972) sur des textes de l’écrivain et poète canadien Zachariah Wells (présent dans la salle pour cette création française). Ce superbe cycle de trois chansons de facture assez classique et tonale a été le moment le plus fort de ce concert. Il tombait à point après le cycle La Fraîcheur et le Feu de Poulenc et Eluard pour lequel, malgré une diction plus que correcte, Phillip Addis manque trop de versatilité vocale et de pénétration de la subtilité de ces poésies ambiguës.
Tant Hugo Wolf avec les rares Abendbilder, triptyque de jeunesse sur des poèmes des romantiques Heine, Eichendorff et Lenau, que les deux lieder de Korngold chantés aux deux extrémités de ce programme, s’ils manquaient un peu de couleurs vocales, étaient tout à fait stylistiquement réussis. Ce récital s’est achevé avec une très convaincante chanson de Ralph Vaughan Williams sur un texte issu du Henry VIII de Shakespeare.
Le site de Phillip Addis
Le site d’Emily Hamper
Olivier Brunel
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