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Graine de chef Paris Salle Pleyel 12/11/2013 - et 12 décembre 2013 Serge Prokofiev : Concerto pour piano n° 3 en ut majeur, opus 26 (*)
Dmitri Chostakovitch : Symphonie n° 7, « Leningrad », en ut majeur, opus 60
Aleksander Toradze (piano)
Orchestre de Paris, Philippe Aïche (*), Andris Poga (direction) A. Poga (© Marc Ginot)
Que faire quand le chef est victime d’un malaise vingt minutes avant le concert, alors que tout le monde était venu entendre Mikko Franck, le futur directeur… du « Philhar » ? L’Orchestre de Paris, heureusement, a de la ressource, à commencer par son très haut niveau de professionnalisme. Un de ses deux premiers violons, de surcroît, prend la baguette à l’occasion et les talentueux jeunes assistants du directeur musical ont déjà assez de métier pour remplacer les plus grands au pied levé – Julien Masmondet l’a fait pour Paavo Järvi, Andris Poga pour Georges Prêtre. Que Mikko Franck ait assuré les répétitions n’enlève rien au mérite de Philippe Aïche et du jeune Letton. On a donc entendu les deux œuvres du programmes, pourtant pas des plus faciles : le Troisième Concerto de Prokofiev et la Septième Symphonie de Chostakovitch.
Le Concerto, toutefois, ne laisse pas une forte impression. Philippe Aïche, cela se comprend, observe une certaine réserve, un peu gêné aux entournures. Mais il tient la route, guidant ses musiciens à travers les dangereux escarpements de la partition de Prokofiev – dernières mesures du final sont même bissées. Quant à Aleksander Toradze, dont l’intégrale des Concertos avec Valery Gergiev n’a jamais constitué une référence, il manque de couleurs et d’imagination – des raisons de santé l’avaient d’ailleurs contraint remplacer à le Cinquième Concerto par le Troisième. Un concert peu favorisé par le sort, décidément...
Restait à savoir comment Andris Poga allait assumer le déferlement des quatre-vingts minutes de la « Leningrad ». Quelques mesures ont suffi : on tenait là un vrai chef. C’est que cet opus 60, dont l’inspiration trahit quelques faiblesses, en particulier dans le final, exige justement une poigne, pour qu’on les oublie et que la partition, puissamment architecturée, trouve son unité. Andris Poga, qui prend le risque de tempos assez larges, maîtrise parfaitement les effets de masse, sait à la fois sculpter et ciseler, déploie un éventail dynamique d’une grande étendue. L’orchestre joue le jeu, superbe d’homogénéité – magnifiques solos des chefs de pupitre aussi, très sollicités. L’Allegretto initial, au fameux crescendo central de l’invasion ennemie, s’ordonne avec autant de rigueur que de tension. Le Moderato, opposant apparente bonhomie et rictus grinçant, confirme que la direction, jamais mécanique, connaît l’art de créer des atmosphères variées – au rebours d’une tendance de certains chefs plus « occidentaux » à diriger l’œuvre comme de la musique pure. Pas de lourdeur dans les accords du choral de l’Adagio, pas de surenchère pompière dans la grandeur épique un rien laborieuse du final.
Rien d’étonnant si Andris Poga a été assistant à Boston et si l’Orchestre national de Lettonie l’a choisi comme directeur musical.
Didier van Moere
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