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Poulenc nous rend Olivier Py

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
12/10/2013 -  et 13, 15, 17, 19, 21 décembre 2013
Francis Poulenc : Dialogues des carmélites
Sophie Koch (Mère Marie de l’Incarnation), Patricia Petibon (Blanche de La Force), Véronique Gens (Madame Lidoine), Sandrine Piau/Anne-Catherine Gillet* (Sœur Constance de Saint-Denis), Rosalind Plowright (Madame de Croissy), Topi Lehtipuu (Le Chevalier de La Force), Philippe Rouillon (Le Marquis de La Force), Annie Vavrille (Mère Jeanne de l’Enfant Jésus), Sophie Pondjiclis (Sœur Mathilde), François Piolino (Le Père confesseur du couvent), Jérémy Duffau (Le premier commissaire), Yuri Kissin (Le second commissaire, Un officier), Mathieu Lécroart (Thierry, Le médecin, Le geôlier), Vanessa Devraine (Figurante)
Chœur du Théâtre des Champs-Elysées, Philharmonia Orchestra, Jérémie Rhorer (direction)
Olivier Py (mise en scène)


(© Vincent Pontet/WikiSpectacle)


L’année du cinquantenaire de la mort de Poulenc, les Champs-Elysées se devaient d’honorer sa mémoire, perpétuant une longue tradition : depuis la création de Cocardes en 1920, le public français ou parisien y a découvert trop de chefs-d’œuvre du compositeur. Créé à Milan en 1957, donné ensuite plusieurs fois à l’Opéra ou à l’Opéra Comique, Dialogues des carmélites, sur le texte de Bernanos, attendit 1980 pour être accueilli avenue Montaigne, mémorable concert de Jean-Pierre Marty avec Felicity Lott et Régine Crespin, heureusement pérennisé par le disque. Ce fut ensuite, en 1986, la production strasbourgeoise de Theodor Guschlbauer et René Terrasson. Voici maintenant Jérémie Rhorer et Olivier Py.


Alceste et Aida avaient révélé, à l’Opéra, de sérieuses baisses de régime chez le metteur en scène. Qu’allaient donc donner les Dialogues ? Une superbe production. Il est vrai qu’il entretient avec la foi, sa ferveur et ses mystères, ses joies et ses angoisses, une profonde intimité. On admire comment ce caméléon de génie peut passer la profusion la plus baroque au dépouillement le plus ascétique. Rien qu’un décor noir, espace à la fois clos et ouvert sur la grâce : rais de lumière striant le sol, arbres blancs en fond de scène, magnifiques et subtils éclairages de Bertrand Killy. Cette savante simplicité, marquée d’une tension constante, pénètre au plus profond des consciences, de la panique de la Prieure à l’agonie à la force enfin dévoilée du lien entre le frère et la sœur, de la force tranquille de la nouvelle prieure à la raideur tourmentée de Mère Marie : la direction d’acteurs, si relâchée dans Aida, suit ici les personnages au plus près. L’Histoire devient anecdotique, signe de la violence du monde : elle n’est là que pour révéler les religieuses à elles-mêmes. La fin reste dans les esprits, comme chez Robert Carsen, qui avait imaginé une sorte de chorégraphie extasiée (voir ici): chez Olivier Py, condamnées élues, les religieuses, une à une, descendent lentement dans des ténèbres étoilées. On lui pardonne, du coup, ces inscriptions à la craie, déjà superflues dans Alceste...


Côté distribution, en revanche, c’est inégal – comme toujours aux Champs-Elysées. Patricia Petibon a deux voix, medium trop frêle, aigu trop dur, avec souvent, selon sa fâcheuse habitude, des notes beaucoup trop droites, presque détachées. Reste une incarnation très intense, tantôt émouvante, tantôt irritante par l’oscillation entre la nervosité et le maniérisme. Sophie Koch a beau s’identifier à Mère Marie, elle n’est plus celle qu’on avait aimée à Nice en 2010, handicapée par une distorsion des registres et une articulation pâteuse qui s’aggravent. Quelle idée d’avoir demandé à Rosalind Plowright d’incarner la première Prieure, elle dont le soprano même n’a pas duré longtemps, totalement défaite et quasi caricaturale, alors que nous avons en France, par exemple, une Sylvie Brunet ? Si bien que ces Dialogues sont portés par la Madame Lidoine de Véronique Gens, d’une noblesse irradiante et sereine, et la Sœur Constance d’Anne-Catherine Gillet, enjouée et lumineuse, qui remplaçait au pied levé Sandrine Piau : elles seules ont la voix, le style, le sens de la prosodie. Les hommes se montrent plus homogènes, même si l’ardent Chevalier de Topi Lehtipuu, malgré la clarté de l’articulation, manque de naturel : Philippe Rouillon donne une forte présence au Marquis et François Piolino, Aumônier d’une sobriété remarquable, nous rappelle qu’on l’associe à tort aux seuls emplois comiques.


Après Claude à Lyon, Jérémie Rhorer confirme qu’il n’est pas le chef d’un seul répertoire et qu’il peut diriger brillamment un autre orchestre que son Cercle de l’Harmonie. Certes, au premier acte, il cherche ses marques, trop anguleux dans la théâtralité. Tout change ensuite, les courbes se modèlent, les couleurs s’affinent, la tension se gradue, le chef maîtrise superbement le combat entre la nuit et la clarté, jusqu’à un dernier tableau qui vous étreint le cœur.



Didier van Moere

 

 

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