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Chauve qui peut !

Paris
Opéra Bastille
12/28/2000 -  29, 30, 31 décembre, 9, 11, 12, 13, 15, 16, 18, 19, 20, 21 janvier 2001
Johann Strauss : La Chauve-souris
William Joyner (Gabriel von Eisenstein), Adina Nitescu (Rosalinde), Oddbjørn Tennfjord (Frank), Marina Domaschenko (Prinz Orlofsky), Eduardo Villa (Alfred), Marian Pop (Dr Falke), Wolfgang Ablinger-Sperrhacke (Dr Blind), Marlis Petersen (Adele), Gilles Privat (Frosch), Jeanne Tremsal (Ida)
Orchestre et Chœurs de l’Opéra National de Paris, Armin Jordan (direction)


La Chauve-souris est l’histoire d’une revanche, certes. Celle d’un homme humilié (Falke) pour qui la vengeance est un plat qui se mange froid. Jusque là, nous sommes d’accord. Mais cela n’est finalement qu’un prétexte, que le ressort dramatique d’un vaudeville tourbillonnant comme une valse. De là à y voir la revanche d’un compositeur juif sur la vie et la société en général, il y a un abîme que Coline Serreau a le mauvais goût de franchir. Eh oui, avec elle, l’œuvre de Strauss devient militante. Mais d’un militantisme facile, prompt à caresser dans le sens du poil une gauche caviar béate devant tant de profondeur et de second degré. Rosalinde en femme bafouée, Adele en féministe, Falke en juge cynique, Orlofsky en grand malade…
Coline Serreau pense en femme du XXe siècle une histoire qui se déroule au XIXe, et s’écrase logiquement contre le mur de l’anachronisme. Car les personnages de la Chauve-souris ne sont en réalité ni des caricatures, ni des métaphores. De simples représentants de leur époque : celle des mariages arrangés, du petit peuple qui s’encanaillent au Prater, de l’intelligentsia juive, des bals enivrants… Une société fin de siècle qui accepte sa condition parce qu’elle n’en connaît pas d’autres. Serreau veut absolument trouver dans l’opérette de Strauss la « nostalgie prémonitoire d’une époque où le « melting pot » de l’empire fonctionnait, avant le fascisme, le repli sur soi, le génocide. » C’est ridicule, car elle montre par-là même sa méconnaissance totale de l’histoire. Mais cela ne la gène pas et c’est sans vergogne qu’elle ose la croix gammée au moment de l’air de Falke « schwertelein, Brüderlein », de même qu’elle ne conçoit les costumes qu’en noir et blanc, et avec des rayures s’il vous plait, pour bien faire comprendre au public débile qu’elle dénonce le nazisme et ses camps. L’allusion est un peu grosse, et les sabots ne sont pas ce que l’on chausse pour danser la valse. Mais le metteur en scène n’en a que faire. Elle a envoyé au placard l’aspect festif de l’œuvre. « La situation est désespérée mais pas grave » : cet adage typiquement viennois lui échappe totalement, comme tant de choses dans l’œuvre. Tellement d’ailleurs que l’on s’ennuie ferme durant cette représentation qui, sortie de ses poncifs (car on a aussi droit au blanchiment de l’argent sale, à la marée noire de l’Erika, aux pots de vin…), est d’une médiocrité rare quant à la direction d’acteurs qui sont aussi statiques qu’inexpressifs. L’aspect musical ne rattrape guère le désastre dans une distribution où seules les interprètes d’Adele et d’Orlofsky tirent vocalement leur épingle du jeu. Même Armin Jordan, pourtant coutumier de ce répertoire semble amidonné par la raideur de cette vision. On ressort donc de ce spectacle irrité. Irrité d’avoir été pris au piège d’une lecture politico-sociale à deux francs (car on a même droit à une incursion de la cité à l’opéra avec des smurfeuses et des breakers…) et surtout de ne s’être amusé à aucun instant. Alors, un seul conseil : écouter la Chauve-souris de Kleiber dans votre salon. Vous y ferez rentrer la fête qui est absente du spectacle de Coline Serreau.




Katia Choquer

 

 

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