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Pour Dieter Dorn Geneva Grand Théâtre de Genève 11/07/2013 - et 10, 13 et 16 novembre 2013 Richard Wagner: Die Walküre Petra Lang (Brünnhilde), Michaela Kaune (Sieglinde), Eleba Zhidkova (Fricka), Will Hartmann (Siegmund), Tom Fox (Wotan), Günther Groissböck (Hunding), Katja Levin (Gerhilde), Marion Ammann (Ortlinde), Lucie Roche (Waltraute), Ahlima Mhamdi (Schwertleite), Rena Harms (Helmwige), Stephanie Lauricella (Siegrune), Suzanne Hendrix (Grimgerde), Laura Nykänen (Rossweisse)
Orchestre de la Suisse Romande, Ingo Metzmacher (direction musicale)
Dieter Dorn (mise en scène)
T. Fox (© GTG/Carole Parodi)
Le principal atout de cette représentation genevoise de La Walkyrie réside dans la mise en scène classique et efficace de Dieter Dorn. A une époque où tant de metteurs en scène cherchent à plaquer leurs propres fantasmes sur un texte, certes riche en interprétations mais aussi riche en indications, Dorn nous rappelle qu’il faut illustrer et rendre lisible le texte. Il sait diriger les chanteurs avec précision pour caractériser le texte et les personnages: la violence fruste de Hunding, la détresse de Siegmund, la jeunesse de Brünnhilde et surtout l’impuissance de Wotan, pris au piège par ses erreurs passées. Les décors assez sobres sont également utilisés avec très intelligence, avec en particulier un jeu de miroirs qui viennent enfermer Wotan lors de sa narration du deuxième acte.
La distribution n’est cependant pas à la hauteur de la production. Peut-être étaient-ils souffrants pour cette première mais ni Michaela Kaune, ni Will Hartmann ne sont crédibles dans des rôles de Sieglinde et Siegmund. La première manque de projection et le second, malgré des qualités de phrasé, aborde un rôle beaucoup trop lourd pour lui. On ne pourrait avoir plus grande différence avec le brillant des jeunes chanteurs du récent Vaisseau Fantôme. Seul l’Autrichien Günther Groissböck a le format désiré pour son rôle. Ingo Metzmacher, en grand professionnel qu’il est, adoucit systématiquement les interventions de l’orchestre au premier acte pour ne pas couvrir la fosse mais fondamentalement, ce premier acte déçoit.
Le Wotan de Tom Fox pose également problème. A nouveau, on peut se demander s’il n’est pas souffrant, ce qui peut arriver, les chanteurs étant des êtres humains même s’ils chantent des dieux. Mais le fait est que le baryton a des problèmes de projection et que sa voix «craque» à plusieurs reprises dans les adieux de Wotan. Autre problème, son élocution allemande manque cruellement de clarté alors que comme pour du Shakespeare, il faut jouer avec la force du texte.
La Fricka a l’autorité vocale et personnelle que demande le personnage, confirmant la qualité de sa prestation dans L’Or du Rhin en mars dernier. Grace à elle, le climat de l’œuvre est enfin établi nous faisant ainsi oublier les limites du premier acte. Petra Lang est également un choix inspiré. Elle campe une Brünnhilde pleine d’enthousiasme et de vie et a les moyens vocaux que demande ce rôle si exigeant. Elle donne beaucoup de relief au deuxième acte à la scène pleine de mystère lorsqu’elle essaye de convaincre Siegmund de la rejoindre.
L’orchestre retrouve plus de présence à partir du deuxième acte et dans la Chevauchée du troisième, on se surprend à trouver des couleurs sombres qui ne sont pas sans évoquer ce que le grand chef allemand avait fait à Salzbourg lors d’une représentation d’exception des Soldats de Zimmermann en 2012, une manière de nous rappeler que Wagner est avant tout un compositeur d’une modernité exceptionnelle à partir duquel va se décliner des générations de compositeurs contemporains.
Tous ces artistes se retrouveront cette saison à Genève pour les dernières pages de cette Tétralogie, Siegfried en février, Le Crépuscule des dieux en avril, puis le Ring entier sera repris deux fois en mai, de quoi combler et satisfaire les très nombreux amateurs de Wagner de Romandie et de l’étranger.
Antoine Leboyer
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