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Erreur sur Elektra Paris Opéra Bastille 10/27/2013 - et 31* octobre, 4, 7, 11, 18, 24 novembre, 1er décembre 2013 Richard Strauss : Elektra, opus 58 Iréne Theorin (Elektra), Ricarda Merbeth (Chrysothémis), Waltraud Meier (Klytämnestra), Kim Begley (Aegisth), Evgeny Nikitin (Orest), Johannes Schmidt (Der Pfleger des Orest), Ghislaine Roux (Die Vertraute der Klytämnestra), Corinne Talibart (Die Schleppträgerin), Jörg Schneider (Ein junger Diener), Kristof Klorek (Ein alter Diener), Miranda Keys (Die Aufseherin), Anja Jung (Erste Magd), Susanna Kreusch (Zweite Magd), Heike Wessels (Dritte Magd), Barbara Morihien (Vierte Magd), Eva Oltivanyi (Fünfte Magd), Sophie Claisse, Anne-Sophie Ducret, Caroline Bibas, Caroline Verdier, Olga Oussova, Daniela Entcheva (Sechs Dienerinnen)
Orchestre et Chœur de l’Opéra national de Paris, Philippe Jordan (direction)
Robert Carsen (mise en scène)
W. Meier, I. Theorin (© Opéra national de Paris/Charles Duprat)
Après Aix, Paris : à quelques mois d’intervalle, la fille d’Agamemnon, brisée par l’assassinat de son père, crie vengeance et pousse son frère à tuer leur mère et son amant. Mais comparaison n’est pas raison. La mise en scène de Patrice Chéreau n’enlève rien à celle de Robert Carsen, inaugurée à Tokyo en 2005, reprise à Florence en 2008. Pour cette œuvre d’une violence inouïe, dépassant celle de Salomé, le metteur en scène canadien imagine une de ces lectures esthétisantes dont il a le secret, d’une sobriété toute classique. Pas de gigantesque statue tronquée comme chez Harry Kupfer à Vienne, rien qu’un trou, le tombeau d’Agamemnon – vêtus d’un blanc à l’éclat insolent, les assassins eux aussi habitent les souterrains. Rien qu’un cube, cage ou hangar, où la recluse vit couchée contre la terre battue, ce qui nous rappelle Le Sacre du printemps de Pina Bausch. Electre est surtout enfermée en elle-même, telle une mater dolorosa lorsqu’elle tient entre ses bras le cadavre du père bien et trop aimé. Ses doubles composent un chœur antique, nuée d’oiseaux ou troupeau de bêtes, comme autant de figures de la souffrance ou de la vengeance, brandissant à la fin la hache du meurtre et du châtiment. C’est dans la direction du chœur, plus que dans celle des protagonistes, assez traditionnelle, que réside justement le plus grand mérite de Carsen – et celui du fidèle Philippe Giraudeau, dont la chorégraphie constitue un élément essentiel de la production. La transe finale devient une sorte de ballet où Electre et ses doubles s’affaissent sur le sol, tenant plus du rêve éveillé que de l’ivresse sanguinaire, rappelant – mutatis mutandis – la fin des Dialogues des carmélites amstellodamois de 1997.
A cette mise en scène qu’on peut trouver trop lisse répond la direction de Philippe Jordan, d’une plasticité, d’une fluidité parfaites. Strauss ne demandait-il pas qu’on dirigeât Elektra comme du Mendelssohn ? Mais l’œuvre demande aussi autre chose, un arc constamment tendu, une sorte de sauvagerie à la mesure du mythe antique : elle doit prendre à la gorge. Le directeur musical de l’Opéra se trompe d’opéra, échouant tout autant à s’abandonner aux élans de tendresse de l’héroïne frustrée : ce Strauss-là n’est visiblement pas le sien. On ne peut s’empêcher de penser, sans quitter les lieux, à ce que faisait un Christoph von Dohnányi en 2005. L’orchestre, de plus, couvre souvent des interprètes qui n’ont pas ou n’ont plus les moyens de leur rôle. Ils se trouvent également pris au piège de la mise en scène, du moins dans le grand vaisseau de Bastille : Carsen les fait souvent chanter trop loin, le décor a tendance à avaler les voix.
Iréne Theorin a pu, dans le passé, faire impression. Elle a gardé une aisance dans l’aigu, des réserves de nuances, une sincérité de l’engagement. Le timbre n’en a pas moins viré au gris, le médium et le grave se dérobent. Waltraud Meier a beau composer cette Clytemnestre grande dame que nous connaissions depuis Salzbourg, ici couchée dans un grand lit blanc dont l’apparition fait grand effet, on ne l’entend guère. La Chrysothémis rayonnante de Riccarda Merbeth domine la production, avec ses beaux aigus lumineux. Kim Begley et Evgeny Nikitin assument bien leur partie, mais Elektra est d’abord un opéra de femmes.
Didier van Moere
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