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Hommage à Farinelli

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
09/23/2013 -  et 25* septembre 2013
Nicola Porpora : Il Germanico in Germania: Ouverture – Arianna: «Mira il cielo» – Semiramide riconosciuta: «Sì pietoso il tuo labbro» – Ifigenia in Aulide: «Nel già bramoso petto» & «Le limpid’onde» – Semiramide d’Assiria: «Come nave in ria tempesta» – Orfeo: «Dall’amor più sventurato» – Polifemo: «Alto Giove» & «Nell’attendere il mio bene»
Leonardo Leo : L’Olimpiade: Ouverture
Giuseppe Sarti : Armida e Rinaldo: «La Tempesta»
Antonio Vivaldi : Concerto pour flûte sopranino et orchestre en ut majeur, RV 443

Philippe Jaroussky (contre-ténor), Anna Fusek (flûte à bec)
Venice Baroque Orchestra, Andrea Marcon (clavecin et direction)


(© Marc Ribes/Erato)


Soirée de forte affluence – quelques aventureux tendent même une petite pancarte à l’entrée du théâtre pour s’enquérir d’une éventuelle place – où l’on croise quelques visages connus. Aucun doute, il se passe quelque chose avenue Montaigne! Et, en effet, lorsque Philippe Jaroussky est à l’affiche deux soirs, accompagné par le Venice Baroque Orchestra dans des airs de Porpora, on se dit que le résultat va être à la hauteur des attentes. Après avoir rendu maintes fois hommage à la musique de Vivaldi (voir notamment ici), après avoir chanté des airs que Porpora, Hasse ou Händel avaient dévolu au castrat Carestini, après avoir interprété des airs d’Antonio Caldara, une des gloires de la musique baroque vénitienne pourtant bien oubliée aujourd’hui, le contre-ténor français a choisi de rendre cette fois-ci hommage à la grande figure de Nicola Porpora (1686-1768), auquel il vient d’ailleurs de consacrer un disque publié chez Erato.


Si Porpora fut un des très grands compositeurs du XVIIIe siècle, il doit également sa renommée à sa qualité de professeur; parmi ses élèves, il eut notamment deux futurs grands compositeurs (Hasse et Haydn) et, surtout, cinq des castrats les plus célèbres de l’époque: Farinelli (Carlo Broschi), Caffarelli (Gaetano Majorano), Porporino (Antonio Uberti), Giuseppe Appiani et Felice Salimbeni. Auteur de très nombreux opéras (d’Aggripina en 1708 à Il triomfo di Camilla en 1760), Porpora engage rapidement Farinelli et le reprendra d’ailleurs dans sa troupe lorsqu’il arrivera à Londres en 1733, affrontant ainsi l’ogre Händel, qui y triomphe et domine alors très largement la scène anglaise.


Les divers extraits donnés ce soir par Philippe Jaroussky et l’Orchestre baroque de Venise témoignent d’une inventivité instrumentale et vocale tout à fait exceptionnelle, qui ne peut que militer pour une plus large découverte de ce compositeur dont les opéras ne sont pourtant presque jamais représentés. Bien que possédant des effectifs modestes (quatre premiers et seconds violons, deux altos, deux violoncelles, une contrebasse, un luth, un clavecin, deux cors, deux hautbois et une flûte), l’orchestre sonne magnifiquement et, dès l’Ouverture de l’opéra Il Germanico in Germania (1732), nous transporte immédiatement dans cette ville de Naples où l’opéra faisait alors rage en cette première moitié de XVIIIe siècle. Il faut bien avouer que l’excellence de l’ensemble bénéficie de la présence incroyable de chaque musicien: mentionnons une fois encore l’excellent luthiste Ivano Zanenghi qui nous avait déjà tant séduit par sa présence irradiante (voir ici) et qui, ce soir, par ses regards tant vers le chef que vers le premier violoncelle, témoigne de la complicité qui innerve l’ensemble des musiciens. On ne peut pas non plus passer sous silence la tout aussi excellente violoniste Anna Fusek (qui fait partie des quatre premiers violons) et qui, un instant, a troqué son instrument de prédilection pour la flûte à bec dont elle est également virtuose: son interprétation du Concerto RV 443 fit chavirer la salle, qui lui réserva à juste titre une formidable ovation.


Mais, sans bien évidemment enlever un quelconque mérite aux instrumentistes, le public du Théâtre des Champs-Elysées n’avait pas tout à fait besoin d’eux pour passer une soirée exceptionnelle puisque Philippe Jaroussky était là. Et, encore une fois, comment ne pas être totalement emballé par la prestation du jeune chanteur, qui alterne avec une égale réussite prouesses techniques et couleurs élégantes. Le premier air déçoit néanmoins: dans «Mira il cielo» (tiré d’Arianna e Teseo, opéra de 1714 à ne pas confondre avec Ariana in Nasso qui date de 1733), le médium n’est pas toujours bien net et l’on perçoit parfois un léger flottement. En revanche, quelle réussite dans «Sì pietoso il tuo labbro» extrait de Semiramide riconosciuta (1729), où la voix s’autorise de soudaines suspensions après n’avoir fait qu’une bouchée de multiples volutes musicales tout à fait incroyables, le rythme presque psalmodique ne reprenant ensuite que pour mieux incarner les tourments de l’amour. L’intimité de l’air «Le limpid’onde», tiré d’Ifigenia in Aulide (1735), où les couleurs automnales du chant se mêlent idéalement aux bois sur un rythme de douce sicilienne, précède avec une séduction tout aussi grande le tempétueux «Come nave in ria tempesta», air aux couleurs très vivaldiennes issu de Semiramide d’Assiria (1724), où le luth s’amuse tandis que les archets tressautent sur les cordes et que les vents, comme on dit, «tricotent» à qui mieux mieux.


Face à l’insistance attendue du public, Philippe Jaroussky offre trois bis pour conclure cette exceptionnelle soirée. Outre deux airs déjà donnés (dont le superbe et très célèbre «Alto Giove» tiré de Polifemo), il interprète l’extraordinaire air «Sposa... non mi conosci?», extrait de l’opéra Merope de Geminiano Giacomelli (1692-1740) qui, lors de sa création à Venise, avait réuni sur une même scène Farinelli et Caffarelli. Comment alors, l’espace d’un instant, ne pas rêver à ce que pouvait alors donner une telle confrontation?


Le site de Philippe Jaroussky
Le site d’Anna Fusek
Le site de l’Orchestre baroque de Venise



Sébastien Gauthier

 

 

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