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C’est encore meilleur réchauffé Vichy Opéra municipal 09/13/2013 - et 15 septembre 2013 Gioacchino Rossini : L’Italiana in Algeri
Marina De Liso (Isabella), Mélody Louledjian (Elvira), Lorenzo Regazzo (Mustafà), Sergey Romanovsky (Lindoro), Tassis Cristoyannis (Taddeo), Benedetta Mazzucato (Zulma), Jean-Vincent Blot (Haly)
Chœur de l’Opéra de Toulon, Christophe Bernollin (chef de chœur), Orchestre d’Auvergne, Roberto Forés Veses (direction)
Nicola Berloffa (mise en scène et costumes), Rifail Ajdarpasic (décors), Gianluca Antoloni (lumières)
(© Christophe Morlat)
Contre deux titres l’an passé (dont une formidable Bohème), la saison d’été de l’Opéra de Vichy – que dirige avec toujours autant de pugnacité Diane Polya-Zeitline – ne propose rien moins que trois ouvrages lyriques cette année. Après l’Alessandro de Haendel (avec Max Emanuel Cencic dans le rôle-titre), et avant l’Orfeo de Monteverdi qui va clore, le vendredi 11 octobre, la programmation estivale, ce sont deux représentations de l’étourdissante Italienne à Alger de Rossini qui sont données dans l’immense et magnifique théâtre Art nouveau de la célèbre ville thermale.
Nous retrouvons avec un énorme plaisir l’imaginative et drolatique production qu’a signée Nicola Berloffa pour l’Opéra de Marseille la saison passée, dont le metteur en scène italien n’a pas eu besoin de retoucher l’impeccable copie. Qu’ajouter si ce n’est dire que son travail fait mouche et que cette production, tapageuse ou guillerette, virtuose et enlevée, déclenche immanquablement les rires, et suscite, chez le spectateur, une véritable euphorie.
La distribution est, quant à elle, entièrement renouvelée, et d’un cran supérieur – on peut même parler d’un sans faute! – à celle entendue sur le Vieux Port. Après Marie-Ange Todorovitch à Marseille, la production était centrée, cette fois, sur Marina De Liso. Dès ses débuts – essentiellement dans des emplois baroques – on devinait plus que des promesses chez cette jeune chanteuse: aujourd’hui, la voix sonne plus ronde et pleine dans le grave, l’aigu n’ayant rien perdu de sa luminosité et de son impact. Mais c’est avant tout dans les passages d’agilité que la mezzo italienne a effectué les plus nets progrès, à la fois sur le plan technique, et stylistique. Particulièrement remarquable, à cet égard, le rondo final, surtout l’allegro «Qual piacer! Fra pochi istanti», au da capo riche en variations hardies, dans cette vocalisation di forza qu’affectionnait tant Rossini.
Remplaçant Kenneth Tarver initialement annoncé, le jeune Sergey Romanovsky est une révélation, imposant d’emblée un Lindoro d’une vaillance et d’une présence exceptionnelles. En plus d’une couleur vocale très séduisante, le ténor russe offre un chant parfaitement mené et maîtrisé, une musicalité, un sens des nuances et un investissement du personnage sans faille, qui s’épanouit pleinement dans son air du II «Concedi amor pietoso». Enfin, son recours à l’occasion à un gracieux falsetto confère à son personnage une touche de délicatesse bienvenue pour ce rôle de jeune amoureux.
Lorenzo Regazzo est le Mustafà imposant, autoritaire et extraverti que l’on pouvait attendre; il offre à l’auditoire des coloratures nettes et mordantes, et montre également un sens de la bouffonnerie très bien calculé. Admiré de nombreuses fois dans des rôles dramatiques verdiens (il fut notamment un extraordinaire Macbeth à Bordeaux en 2012), le baryton grec Tassis Christoyannis ne séduit pas moins dans les emplois buffi, et dessine un Taddeo irréprochable, auquel il apporte son phrasé scrupuleux et un jeu bondissant. Les principaux rôles étaient solidement entourés par la basse Jean-Vincent Blot, Haly plein de répondant et de verve, tandis que Mélody Louledjian (Elvira) et Benedetta Mazucatto (Zulma) ont parfaitement accompli leur tâche.
En fosse, le jeune chef espagnol Roberto Forés Veses sait obtenir de l’Orchestre d’Auvergne, dont il est le directeur musical et artistique, une plénitude de son remarquable, et restituer le chatoiement, la couleur et la vibration propres à la partition.
Une enthousiasmante soirée rossinienne!
Emmanuel Andrieu
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