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Même sans décors

Paris
Opéra Bastille
09/07/2013 -  et 10, 13, 17, 20, 23, 26, 29 septembre, 1er, 4, 6, 9 octobre 2013
Gaetano Donizetti : Lucia di Lammermoor
Ludovic Tézier/George Petean* (Enrico Ashton), Patrizia Ciofi/Sonya Yoncheva* (Lucia), Vittorio Grigolo/Michael Fabiano* (Edgardo di Ravenswood), Alfredo Nigro (Arturo Bucklaw), Orlin Anastassov (Raimondo Bidevent), Cornelia Oncioiu (Alisa), Eric Huchet (Normanno)
Chœur et Orchestre de l’Opéra national de Paris, Maurizio Benini (direction)
Andrei Serban (mise en scène)


(© Opéra national de Paris/Eric Mahoudeau)


Préavis de grève. Est-on concerné, à l’Opéra, par le projet de réforme des retraites ? Ne relèverait-on pas d’un régime spécial ? Quoi qu’il en soit, pas de décors pour Lucia : le chœur est assis, les chanteurs jouent à l’avant-scène. Certes nous connaissions la production d’Andrei Serban, pas inoubliable d’ailleurs (lire ici), mais certains l’auraient découverte, tout à leur plaisir de voir l’opéra de Donizetti. Salle fort clairsemée, du coup... et des recettes en moins. Ce qu’on a entendu, heureusement, a vite occulté le reste : les syndicats, de ce point de vue, ont manqué leur cible. La seconde distribution de Lucia a relevé le défi.


Leila à l’Opéra-Comique (lire ici), trois fois femme d’Hoffmann à Pleyel, Sonya Yoncheva fait de brillants débuts à l’Opéra. La voix a de la chair, sur toute la tessiture, de l’éclat dans l’aigu. Un tempérament, aussi : une Lucia de chair et d’os, ni rossignol ni victime passive. Le phrasé est modelé, le souffle maîtrisé, dès le « Regnava nel silenzio » - pas moins éprouvant que la scène de folie, très bien composée. Cette Lucia mûrira, gagnera de la souplesse dans l’agilité, trouvera plus de couleurs, affinera son incarnation, mais elle est déjà superbe. Avec la soprano bulgare l’Américain Michael Fabiano forme un beau couple romantique : un rien nasal peut-être, le timbre ne manque pas de métal, l’émission se signale aussitôt par sa souplesse, en particulier dans la quinte aiguë. Ainsi ne force-t-il jamais, même là où il faut de la vaillance, capable de chanter piano, à la fin, tout le « Tu che a Dio ». S’il mûrira aussi, il incarne un Edgardo généreux et stylé, sans débordement dans l’émotion. Stylé, George Petean l’est aussi, vrai baryton Verdi comme l’est déjà un peu Enrico, manipulateur mais pas outré, qu’on a toujours plaisir à retrouver. Orlin Anastassov, en revanche se trompe de rôle et de vocalité, qui fait de Raimondo un personnage quasi diabolique, confondant noirceur et noblesse. Les seconds rôles ont de la présence, à commencer par le Normanno pervers d’Eric Huchet.


Orfèvre en la matière, Maurizio Benini inscrit l’œuvre dans un romantisme ténébreux, parfois morbide, attentif aux couleurs pour installer des ambiances, imprimant au drame une tension continue. Le chœur, enfin, donne le meilleur de lui-même – même si certains pourraient mieux se tenir.


Même sans décors, finalement, on a vu Lucia.



Didier van Moere

 

 

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