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Noble simplicité Grenoble La Côte-Saint-André (Château Louis XI) 08/27/2013 - Hector Berlioz : Benvenuto Cellini: Ouverture, H. 76b – La Captive, opus 12, H. 60e – La Belle Voyageuse, opus 2b n° 4, H. 42c – Le Jeune Pâtre breton, opus 13 n° 4, H. 65d
Franz Schubert : Le Roi des Aulnes, D. 328 (orchestration Berlioz)
Carl Maria von Weber : L’Invitation à la valse, opus 65, J. 260 (orchestration Berlioz)
Igor Stravinski : Le Sacre du printemps
Véronique Gens (mezzo-soprano)
Orchestre national de Lyon, Leonard Slatkin (direction)
Cela fait désormais vingt ans que le festival Berlioz est revenu à La Côte-Saint-André. Depuis le début de son mandat en 2009, Bruno Messina a veillé à progressivement améliorer le confort acoustique de la cour du château Louis XI – cette année avec le prolongement des panneaux réverbérants sur le côté de la scène et un remodelage de l’assise en synchronie avec les dimensions du plateau.
En cette édition anniversaire, l’Orchestre national de Lyon, partenaire désormais fidèle du rendez-vous berliozien, offre pour son second concert un florilège de mélodies d’Hector Berlioz, mettant ainsi en valeur l’écriture chambriste du compositeur romantique, dont on retient parfois davantage la puissance orchestrale. Reconnue, à juste titre, pour son sens du phrasé et de l’articulation dans le répertoire français, Véronique Gens fait vivre ces pages parfois négligées avec la noble simplicité qui la caractérise si naturellement. Sur un poème de Victor Hugo, La Captive respire un abandon discrètement mélancolique tandis que, inspiré par le célèbre lied de Schubert, Le Roi des Aulnes donne, en français et dans l’orchestration aussi vigoureuse qu’expressive de Berlioz, un éclairage inédit sur la ballade de Goethe, renouant ainsi avec une intelligibilité immédiate du verbe snobée par la vogue du texte original – qui au demeurant ne viendrait pas à l’idée de lecteurs de poésie non familiers avec la langue allemande.
De prime abord surprenante, l’association avec Le Sacre du printemps se révèle d’une grande cohérence. Aux contrastes et à la verdeur rythmique par lesquels on souligne usuellement la radicale modernité du chef-d’œuvre de Stravinski, Leonard Slatkin privilégie la veine mélodique, soulignant ainsi l’étonnant classicisme de cette partition centenaire. Car au fond, la virtuosité de l’écriture orchestrale entretient une méconnue filiation d’avec l’auteur du Traité d’instrumentation. Modérés, voire même trapus, les tempi dessinent une progression moins brutale, moins rituelle aussi peut-être. Mais, par-delà son apparente gaucherie, le geste symphonique, d’une belle efficacité, ménage une ivresse croissante irrésistible qui vaut bien de plus primitives violences. A n’en pas douter, avec la venue de Leonard Slatkin, l’Orchestre national de Lyon se confirme comme l’une des premières formations de France.
Loin de se limiter aux vastes proportions et au corpus berliozien, Bruno Messina aime à enrichir notre appréhension de l’histoire de la musique. C’est ainsi qu’il a proposé à François-Frédéric Guy de jouer en l’église de La Côte-Saint-André son intégrale des Sonates de Beethoven, déjà rôdée entre autres à la Cité de la musique à Paris. La connaissance de cet immense ensemble dont fait preuve le pianiste français force l’admiration, et le soin avec lequel il détaille l’identité particulière de chacune des sonates tout autant, ainsi qu’en témoigne le récital du mercredi 27 août. La Seizième frémit d’un humour juvénile avant une Tempête cursive et nerveuse, jamais inutilement emportée cependant, et une Chasse ironique et savoureuse. Un toucher nourri et sensible, une profonde compréhension du texte musical, tel un journal intime et artistique, voilà le Beethoven de François-Frédéric Guy, appelé à devenir, dès aujourd’hui, une référence.
Gilles Charlassier
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