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Guillestre

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Modestie et fierté

Guillestre
Réotier (Eglise Saint-Blaise)
08/04/2013 -  et 22 juillet 2013 (Uzerche)
Wolfgang Amadeus Mozart : Quatuor n° 19 «Les Dissonances», K. 465
Franz Schubert : Quatuor n° 15, D. 887

Quatuor Voce: Sarah Dayan, Cécile Roubin (violon), Guillaume Becker (alto), Lydia Shelley (violoncelle)




Il n’y a pas de petits festivals, mais il en est des modestes, ce qui n’est pas la même chose et ce qui ne leur interdit pas une légitime fierté, lorsque, par exemple, ils parviennent à mettre à leur affiche Philippe Bianconi, François-Frédéric Guy, Romain Leleu, Tedi Papavrami et le Quatuor Debussy. C’est le cas des Musicales Guil Durance: sous l’impulsion de Bénédicte et Bernard Mazas, respectivement présidente et directeur artistique, la vingt-deuxième édition, du 21 juillet au 13 août, propose quatorze concerts, à Guillestre et dans neuf communes des alentours, situées sur les bords de la Durance ou de son affluent, le Guil. Apéros-concerts en fin de matinée, conférences sur les œuvres programmées, découverte du patrimoine et ateliers d’écriture ou d’exploration sonore complètent une manifestation qui affiche son souci d’aller à la rencontre de tous les publics, ce dont témoigne également le développement de supports de communication à destination des non-voyants ou des malvoyants.


En un radieux dimanche après-midi à Réotier, la venue du Quatuor Voce est emblématique de la qualité musicale du festival et de sa volonté de mettre en valeur, au travers d’un «itinéraire musical au cœur des Hautes-Alpes», l’histoire et la nature de la région. Au sud du parc national des Ecrins, la commune – 207 habitants répartis sur une dizaine de hameaux – s’étend sur des altitudes allant de 800 à plus de 3000 mètres: la petite église, désaffectée mais toujours pieusement décorée, domine un site grandiose et fait face au pic du Clocher (2473 mètres), qui s’élève sur l’autre rive de la Durance. Elle est dédiée, selon les époques et les sources, à saint Michel ou à saint Blaise – mais comment se fier aux Roterolles, surnommés picato-preïres depuis que leurs ancêtres firent rouler au bas de la vallée le curé enfermé dans un tonneau?


Devant une assistance attentive, qui n’a presque pas laissé de bancs ou de chaises libres, Sarah Dayan, présente le Dix-neuvième Quatuor (1783) de Mozart – essentiellement son introduction lente qui lui a valu son surnom, «Les Dissonances». La composition de la formation française a de nouveau été modifiée, Lydia Shelley, ancienne du Quatuor Finzi, ayant remplacé le violoncelliste Florian Frère, qui avait lui-même succédé en 2010 à Julien Decoin. Ces changements répétés ne paraissent cependant pas avoir altéré ses qualités. Respiration, aisance, cohésion – voilà un Mozart plus qu’impeccable, sans outrance, mais qui n’est pas joué pour autant prudemment du bout de l’archet, osant au contraire la franchise et même le mordant des attaques, que ce soit dans le développement de l’Allegro initial, dans la gaîté presque rustique du Menuet ou dans les alertes du Trio.


Après l’entracte, Cécile Roubin passe au premier violon et Guillaume Becker échange lui aussi sa place, pour se trouver au premier plan sur la droite et attirer l’attention des spectateurs sur quelques caractéristiques du Quinzième Quatuor (1826) de Schubert, dont les dimensions peuvent expliquer la relative – et déplorable – rareté au concert. Bruckner n’a hélas pas écrit pour le quatuor, du moins dans sa maturité, mais nul doute que les Voce y auraient fait merveille: la réalisation instrumentale demeure globalement remarquable et la sonorité est portée par l’acoustique – satisfaisante mais indéniablement généreuse – du lieu, mais ce qui frappe bien davantage, c’est la maîtrise du temps, si difficile dans cette œuvre. Omettant certes la reprise de l’Allegro molto moderato, les musiciens parviennent en effet à tracer un arc, sans solution de continuité, sans baisse de tension, de la première à la dernière mesure. La conduite est tout aussi irréprochable dans l’Andante un poco moto, par-delà la violence des contrastes. Le Scherzo, plus beethovénien que mendelssohnien sous leurs archets, s’interrompt pour un Trio quant à lui, pour le coup, parfaitement schubertien. Enfin, l’Allegro assai, avançant inéluctablement, résonne comme un écho – lointain, mais tout aussi angoissant – du Roi des aulnes.


Le Quatuor Voce conserve suffisamment de santé et d’appétit pour offrir un bis, le Scherzo du Huitième Quatuor (1806) de Beethoven, retrouvant le mi mineur de l’Andante de Schubert.


Le site des Musicales Guil Durance
Le site du Quatuor Voce



Simon Corley

 

 

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