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En Espagne aussi, il y a le Printemps Oviedo Auditorium Principe Felipe 08/02/2013 - Emmanuel Chabrier : Espana
Manuel de Falla : El amor brujo
Igor Stravinski : Le Sacre du printemps
Carmen Linares (chant)
Joven Orchestra Nacional de Espana, George Pehlivanian (direction)
Le septième concert des dix-sept organisés cette année dans le cadre du festival d’été d’Oviedo se déroulait dans l’excellent auditorium de la ville. Il permit d’entendre l’Orchestre national des jeunes, créé en 1983, une chanteuse de flamenco reconnue et un chef économe de ses gestes mais précis et sachant parfaitement se faire comprendre d’un ensemble d’artistes un peu verts, parfois impétueux, mais assez remarquables, dans des œuvres surprises pour beaucoup puisque le programme du festival n’indique nullement les œuvres prévues.
La mise en bouche était assurée par Espana (1883) d’Emmanuel Chabrier (1841-1894). Malgré un certain déséquilibre de puissance sonore, le fond de l’orchestre (cuivres et percussion) donnant volontiers de la voix, l’ensemble fut coloré à souhait, l’orchestre connaissant son affaire sur le bout des doigts et le chef, George Pehlivanian, Franco-Américain d’origine libanaise né à Beyrouth en 1964, premier prix au concours de Besançon en 1991, semblant avoir peu à faire. De la belle ouvrage.
L’Amour sorcier (1916) de Manuel de Falla (1876-1946) débuta comme un coup de fouet, annonçant une lecture tendue tout à fait convaincante et n’excluant pas le charme notamment lors des interventions d’une excellente titulaire du poste de premier violon. La cantatrice, spécialiste du cante jondo, Carmen Linares (née en 1951), à l’autorité naturelle, la voix rocailleuse et l’accent andalou bien affirmé, fournit quant à elle la tonalité idiomatique supplémentaire. Elle ne se fit pas prier pour offrir en bis un poème de Federico Garcia Lorca, Madre llevame a los campos, mis en musique bien pauvrement par Luis Bedmar. Là encore, le ton était juste mais on ne comprenait toujours pas le parti pris de la sonorisation de sa voix: Carmen Linares n’en avait nul besoin et des interférences gênantes quoique faibles n’en étaient pas moins perceptibles.
La seconde partie était consacrée au Sacre du printemps (1913) d’Igor Stravinski (1882-1971). Si le fond de l’orchestre assura à l’interprétation une belle sauvagerie, parfois mal maîtrisée du côté des cors dans la première partie, ou du côté des cordes au début du final de la seconde, le chef ne permit aucun débordement et sut réserver les pauses nécessaires à une exécution somme toute exemplaire. Il était ainsi démontré qu’en Espagne, on sait fêter aussi, dignement, le centenaire du Sacre et de surcroît avec des jeunes tout à fait prometteurs, au printemps de leur carrière.
Le public, peut-être écrasé par les décibels ou estomaqué par une telle modernité rageuse quoique désormais centenaire, applaudit mollement mais fut comme récompensé de sa patience par deux bis parfaitement incongrus après une œuvre aussi écrasante que le Sacre: un pasodoble permettant de rassembler l’orchestre au grand complet – Amparito Roca – et le brillant intermède déjà entendu au tout début de cette année même à Oviedo de la zarzuela La boda de Luis Alonso (1897) de Jerónimo Jiménez y Bellido (1854-1923), deux univers ronflants et trop rabâchés mais à la gaîté toujours communicative et qui finit par enthousiasmer l’assistance nombreuse du soir.
Le site de l’Orchestre national des jeunes d’Espagne
Stéphane Guy
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